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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/516

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REVUE DES DEUX MONDES.

Lune… brise du soir !… Tais-toi, poète, tu n’es qu’un sot. Qu’est-ce qui mérite un adieu de toi ? qu’est-ce qui t’accordera un regret ?

(Il va pour se tuer.)


Scène V.


Le docteur ACROCERONIUS, entrant.

Que faites-vous, seigneur Aldo, dans cette attitude singulière ?

ALDO.

Vous le voyez, mon cher ami, je me tue.

ACROCERONIUS.

En ce cas, je vous salue, et je vous prie de ne pas vous déranger pour moi. Puis-je vous rendre quelque service après votre mort ?

ALDO.

Je ne laisserai personne pour s’en apercevoir.

ACROCERONIUS.

Je suis fâché que vous preniez cette résolution avant le coucher de la lune.

ALDO.

Pourquoi ?

ACROCERONIUS.

Parce que la nuit est fort belle, et que vous perdrez une des plus belles éclipses de lune que nous ayons eues depuis long-temps.

ALDO.

Il y a une éclipse de lune ?

ACROCERONIUS.

Totale. Il n’y a pas un nuage dans le ciel, et elle sera tellement visible, que je m’étonne de rencontrer un homme aussi indifférent que vous à cet important phénomène.

ALDO.

En quoi cela peut-il m’intéresser ?

ACROCERONIUS.

Venez avec moi sur la montagne de Lego, et je vous le ferai comprendre.

ALDO.

Je vous remercie beaucoup. Je ne me sens pas disposé à marcher, et j’aime mieux me passer mon épée au travers du corps.