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ÆNEAS SYLVIUS.

composé de dix-huit citoyens élus et présidé par le juge de droit. Puis vient le patron des citoyens, qui veille aux intérêts et à la sécurité de la ville. Toutes ces personnes choisies par le prince, à cause de la fidélité qu’il leur suppose, lui sont soumises, et il en exige un serment. Voilà comment est composée la magistrature de Vienne, à moins que l’on ne veuille lui adjoindre les préposés chargés de faire payer et de percevoir les impôts, et dont les fonctions ne durent qu’un an.

« Cet office me fait penser à la quantité incroyable de provisions de bouche qui entrent journellement à Vienne. C’est par charretées que l’on y apporte les œufs et les écrevisses, le pain, la viande, le poisson et les volailles de toute espèce, et toutefois, à la chute du jour, il ne reste plus vestige de ces provisions.

« Les vendanges durent quarante jours, et pendant chaque journée, trois cents chars au moins, chargés de vin, font deux ou trois voyages pour en entrer à Vienne. On a le droit d’entrer le vin des champs dans la ville jusqu’à la Saint-Martin. Ce que l’on emmagasine de vin dans cette ville est vraiment incroyable. On y en boit beaucoup, mais on en expédie cependant une grande quantité aussi en lui faisant remonter le Danube. De ce qui se vend de vin au détail, à Vienne, le dixième denier revient au prince, ce qui rapporte annuellement à la chambre deux mille pièces d’or. Pour tout le reste, les droits sont fort légers.

« Du reste, dans cette cité si grande, si noble d’ailleurs, il se commet nuit et jour beaucoup d’excès. Les rixes y dégénèrent souvent en combats. Tantôt ce sont les artisans qui attaquent les jeunes gens des écoles, une autre fois les gens de la cour prennent les armes contre les artisans, ou les ouvriers cherchent dispute à d’autres. Ces désordres n’ont jamais lieu sans qu’il y ait du sang de répandu, et cela arrive souvent, car c’est l’usage ici de ne jamais séparer ceux qui ont pris dispute et qui se battent : les magistrats pas plus que le prince n’y peuvent rien.

« On n’exige aucun droit de ceux qui vendent du vin dans leurs maisons ; aussi presque tous les citoyens tiennent-ils cabaret. Ils chauffent leurs étuves, y font la cuisine et y reçoivent les ivrognes et les filles de joie. Ils ne manquent même pas de leur donner à manger gratis, afin de les engager à boire davantage, se réservant de les tromper sur la mesure de la boisson qu’ils paient Le petit peuple est gourmand, vorace, et tout ce qu’il gagne dans la semaine, il le consomme en un jour de fête. C’est une vilaine populace.

« Le nombre des femmes publiques est très considérable. Outre cela, il y a peu de femmes qui se contentent de leurs maris. Les nobles qui fréquentent la maison des citoyens, trouvent moyen d’entretenir la conversation