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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/601

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REVUE. — CHRONIQUE.

vent seules, ne fût-ce que dans le murmure indécis de leur brise. M. Turquéty avait publié déjà, il y a quatre ans environ, un joli recueil d’élégies et de pièces suaves : il y a dans le nouveau volume un remarquable progrès qui se continuera encore. En fait de grâce touchante, nous recommandons les pièces intitulées Reproches, un Ami ; dans les odes ou hymnes élevées, nous citerons la Vision, Caliban, quoique le siècle nous y semble énormément enlaidi, et que l’avenir s’y entrouve dans des nuées formidables et sanglantes auxquelles je ne puis croire : mais le poète y croit, et le caractère lugubre de sa peinture accuse en lui ce saint tremblement dont il est question dans les prophètes.

STRUENSÉE, OU LA REINE ET LE FAVORI, PAR N. FOURNIER ET AUGUSTE ARNOULD.

En l’année 1769, le roi de Danemark revenait incognito d’un voyage philosophique en France, comme en faisaient volontiers les souverains de ce temps-là, quand, passant, le 4 janvier, par la ville d’Altona, il fut pris d’un de ces spasmes nerveux auxquels il était sujet depuis son enfance. Le prince évanoui fut porté à bras chez un médecin de l’endroit. Le docteur se mit en besogne, rappela le malade de son évanouissement, et, dans un entretien qui suivit la crise, insinua si bien comment, sous cette douleur physique, il découvrait une souffrance morale, que le prince, enchanté de la sagacité du jeune docteur, l’emmena aussitôt de sa petite maison d’Altona au château royal de Copenhague. Ce malade était Christian vii ; ce médecin, Struensée. — Struensée devint premier médecin du roi, favori, premier ministre, réformateur du Danemark, amant de la reine Mathilde ; et, après trois ans de faveur ou de règne, ce même Struensée fut arrêté comme traître, condamné à mort le 25 mars 1772, et décapité devant la porte orientale de Copenhague.

Tel est l’abrégé des faits mis en action dans l’ouvrage de MM. Fournier et Arnould ; la pensée qui anime ces faits et les mène à leur développement ressort, je crois, de ce second titre du livre : La Reine et le favori.

Struensée, quand s’ouvre la scène, est dans sa maison d’Altona, comme Figaro sur la place de Séville : tenant la lancette et la plume, rédigeant une Gazette médicale qui, entre ses mains, devient politique, il est prêt à faire sur le corps social les mêmes expériences que sur ses malades ; il a pris ses grades à Paris ; Grimm l’a présenté chez le baron d’Holbach qui lui aura fait lire La Metrie ; certainement il possède à fond Beaumarchais et Clavijo. — Les auteurs, d’après toutes ces données n’ont pas composé le