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Santa-Anna était trop peu redoutable. Cependant le parti des révoltés croissait rapidement ; les garnisons d’Orizaba et de Cordova s’étaient jointes à eux, et le gouvernement offrit d’entamer de nouvelles négociations. De part et d’autre on nomma des commissaires pour discuter les intérêts des deux partis ; Arago fut un de ceux que choisit Santa-Anna, et le 13 juin les deux généraux signèrent un armistice non loin de Jalapa. La nouvelle de la fuite de Calderon fut accueillie à Tampico par des fêtes : les différens forts qu’on avait construits autour de la ville furent baptisés, et les officiers de la garnison donnèrent un bal où ils fêtèrent les officiers français.

La retraite de Calderon entraîna celle de Teran, qui se dirigea dans le nord de Tamaulipas, vers Soto-la-Marina et Matamoros, qui tenaient encore pour le gouvernement. Moctezuma le laissa partir sans courir à sa poursuite ; mais les bâtimens de guerre, devenus inutiles à Tampico, reprirent leur première mission, et firent voile le 19 juin pour Matamoros. Cette petite flotte, sous les ordres du capitaine Cochrane, était composée d’un brick, trois goëlettes, et portait trois cents hommes de troupes. La garnison de la forteresse, ébranlée d’abord par la nouvelle des succès de Santa-Anna, éclata à l’arrivée de ces navires, et se prononça contre le ministère. L’entraînement gagna les troupes de Teran, réunies dans la petite Place de Padilla. Teran, effrayé de l’agitation de ses soldats, assemble ses principaux officiers dans une chapelle. Là, il leur expose l’état de la république, essaie d’émouvoir leur patriotisme ou de réchauffer leur attachement au gouvernement ; partout il ne trouve qu’une désespérante froideur, ou une ferme résolution de changer de drapeaux. Se voyant ainsi abandonné de ses troupes, il désespéra de sa cause ; peut-être vit-il sa patrie exposée de nouveau aux horreurs de la guerre civile ; sans doute alors le sort de Guerrero lui revint en mémoire, et il frémit de tomber vivant entre les mains d’ennemis implacables… Il sortit et se perça de son épée (le 12 juillet).

Ainsi périt Teran, le meilleur ou plutôt le seul général du parti ministériel, en ce même village de Padilla, au même lieu où avait péri Iturbide. Sa mort fut un triomphe pour le parti contraire, qui s’en réjouit comme d’une victoire. Cependant il trouva même