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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/669

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UNE CONJURATION D’AUTREFOIS.

« Grâce à la tyrannie de l’usure, nous sommes la plupart sans patrie, tous sans fortune et sans honneurs. En vain, à la manière de nos ancêtres, nous invoquerions la loi qui sauve la liberté du débiteur par la cession de ses biens, tant est grande la rigueur de ce qu’on appelle le droit prétorien. Souvent, par leurs décrets, vos aïeux ont pris en pitié la misère du peuple ; tout récemment encore, nous nous en souvenons, l’énormité de la dette a altéré les monnaies, et le cuivre a payé l’or. Souvent le petit peuple, par velléité d’ambition ou dégoût du despotisme, a fait scission à main armée avec le sénat.

« Nous, nous ne voulons ni le pouvoir ni les richesses, causes ordinaires de toutes les discordes humaines, mais la liberté à laquelle on ne renonce qu’avec la vie. Nous te supplions donc, toi et le sénat, de nous rendre le secours de la loi confisquée par le préteur, et de ne pas nous réduire à chercher comment il nous faut mourir pour mieux nous venger. »

CÉSAR.

Savez-vous, pères conscripts, que si cette lettre était affichée et lue aux quatre coins de Rome, le peuple ne serait pas pour nous ?

MARCIUS.

J’ai répondu que, pour obtenir quelque chose du sénat, il fallait déposer les armes et venir à Rome en supplians, que le sénat et le peuple romain avaient trop de clémence et de générosité pour refuser aide et assistance à qui les demande.

CÉSAR.

Qui représente ici le peuple ? Ou toi, le sénateur, ou Manlius le tribun ? Il faut s’entendre. Il paraît que le peuple fait la demande et la réponse, mais les prétentions de Manlius ne me semblent point si absurdes.

MARCIUS.

Le peuple et le sénat n’ont jamais fait qu’un. Le corps obéit à la tête. D’ailleurs, grâce aux bruits qui se répandent, les conjurés sont des hommes à part : il n’y a pas de sympathie dans le peuple pour les incendiaires, pour les buveurs de sang ; tout se tient dans l’ordre social, nous avons intéressé ceux qui ont et ceux qui peuvent avoir ; à tort ou à raison, calomnie ou vérité, nous les avons faits nôtres. On a dit que c’était la guerre de ceux qui n’ont pas