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REVUE DES DEUX MONDES.



Scène VI.


BESTIA, VERCINGETORIX.
BESTIA.

Ils croient que je vais attendre, conspirer encore, rester incessamment sous le coup de la loi, sans savoir ce que je suis, ce que je serai ; mort ou vif, sortons de cette incertitude ; aussi bien mon tour viendrait : j’ai des débiteurs dans le sénat qui ne m’oublieront pas, je ne peux ni ne veux survivre seul ! Les uns ont été étranglés en prison, les autres vont périr en Étrurie, mieux vaut mourir sans se déranger et librement, par le genre de mort qui me plaira. Tu es mon médecin, cela te regarde, mais mourons tous les deux.

VERCINGETORIX.

À quoi cela servira-t-il ?

BESTIA.

Je t’ordonne que nous mourions.

VERCINGETORIX.

Singulière folie !

BESTIA.

Que veux-tu faire de la vie ? Je suis vieux, ruiné, malade, à demi condamné.

VERCINGETORIX.

Mais moi !… n’importe, je suis ton esclave, je t’obéirai jusqu’au bout. Maître, ton épée et ta gorge ! (Il prend l’épée de Bestia.)

BESTIA, faisant un mouvement d’effroi.

Le fer me répugne, je n’aime pas à voir couler le sang.

VERCINGETORIX.

Tu as peur, noble Romain !

BESTIA.

Non… tu n’aurais qu’à me manquer ; récite-moi le traité sur l’immortalité de l’âme.

VERCINGETORIX.

Pour gagner du temps ; je vois que le consul et ses licteurs finiront par t’éviter l’embarras du choix.

BESTIA.

C’est que je voudrais mourir comme on s’endort. Étouffer dans un bain, est-ce agréable ?