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cessa de régner d’une manière absolue. Des métiers à la piémontaise s’établirent alors dans les fabriques ; l’industrie de la soie prit un magnifique développement. L’invention de notre ingénieux compatriote Jacquart fut naturalisée à Catane par un homme fort habile nommé Bénédict Barbagallo, et de grandes manufactures s’élevèrent dans les anciennes maisons des jésuites, généreusement abandonnées dans ce but par le roi Ferdinand Ier. Dans l’état de souffrance et d’inquiétude où se trouvait Catane, après le passage du choléra et l’insurrection populaire qui l’avait suivi, les manufactures de soie étaient cependant en pleine activité. J’y vis fabriquer des étoffes qui n’égalent peut-être pas les nôtres en élégance, mais qui les surpassent souvent sous le rapport de la solidité ; les unes, ce sont les noires, sont très recherchées à Malte ; les autres sont pour la plupart expédiées dans le royaume de Naples. Un artisan d’Aci-Reale, Salvator Leonardi, qui habite Catane, mérite surtout d’être remarqué. On lui doit le perfectionnement de la plupart des procédés, et il venait d’inventer un mécanisme ingénieux propre à être adapté à tous les métiers, à l’aide duquel le prix de la main-d’œuvre se trouve diminué des deux tiers. Toutefois, comme les plus étranges contrastes doivent se trouver partout en Sicile, tandis que la fabrication des étoffes de soie y est au niveau de l’industrie de la France, on ignore à Catane l’art d’élever les vers à soie, et on est encore à priver de lumière les chrysalides et à les détruire par la suffocation. La méthode piémontaise du dévidage est à naître en Sicile.

En parcourant la plaine qui s’étend devant Catane, du côté de Palerme, on marche entre des champs de coton. Cette plante exige, outre un climat propice, un terrain traversé par des eaux courantes, et la plaine de Catane fraîchement baignée par ses ruisseaux, échauffée par le soleil du centre de l’île, placée dans le voisinage des terres végétales du volcan, est éminemment propre à cette culture. L’espèce qu’on y recueille est celle que les botanistes nomment gorrypium herbaceum ; mais elle dégénère facilement, et les Siciliens achètent chaque année à Malte les graines destinées aux semailles. On leur a souvent conseillé de faire venir des graines de coton d’Amérique ou des Indes, mais Malte est plus proche, et la pauvreté des cultivateurs oblige à s’en tenir aux médiocres graines de coton qu’on recueille sur cette terre calcaire. J’ai vu à Catane quelques manufactures où l’on travaille le coton ; mais les Anglais en exportent plus de deux mille cantares, et ils renvoient le coton filé et tissé aux Siciliens, en sorte que les habitans de Catane emploient pour leur usage des toiles de coton