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REVUE DES DEUX MONDES.

Les trois articles suivans sont employés à l’examen des poésies de Chénier ; l’admiration y domine, sauf dans le second qui traite du rhythme, de l’enjambement, de la césure, et qui est tout sévère. Le critique, qui sait très bien se prendre aux vers les plus hasardeux du classique novateur, nous semble pourtant méconnaître le principe et le droit d’une tentative qui reste légitime dans de certaines mesures, mais dont nous-même avons peut-être, hélas ! abusé. « Ce n’est plus un violon qu’a votre Apollon, me disait quelqu’un, c’est un rebec. »

Charles Loyson salua la venue de Lamartine d’un applaudissement sympathique où se mêlèrent tout d’abord les conseils prudens[1] : « Ederâ crescentem ornate poetam, s’écrie-t-il en commençant ; voici quelque chose d’assez rare à annoncer aujourd’hui : ce sont des vers d’un poète. » Et il insiste sur cette haute qualification si souvent usurpée, puis il ajoute : « C’est là ce qui distingue proprement l’auteur de cet ouvrage : il est poète, voilà le principe de toutes ses qualités, et une excuse qui manque rarement à ses défauts. Il n’est point littérateur, il n’est point écrivain, il n’est point philosophe, bien qu’il ait beaucoup de ce qu’il faut pour être tout cela ensemble ; mais il est poète ; il dit ce qu’il éprouve et l’inspire en le disant. Il possède le secret ou l’instinct de cette puissante sympathie, qui est le lien incompréhensible du commerce des ames. » Parmi les reproches qu’il se permet de lui adresser, il lui trouve un peu trop de ce vague qui plaît dans la poésie, qui en forme un des caractères essentiels, mais qui doit en être l’ame, et non le corps : est-il possible de mieux dire ?

J’ai noté les mérites, le sens précoce, les vers élevés ou touchans de Loyson : j’omets ce qui chez lui est pure bagatelle, bouts rimés et madrigaux ; car il en a, et la mode le voulait ou du moins le souffrait encore. Son premier recueil de 1817 offre en tête une image du poète mourant, où les assistans portent des bottes à retroussis. C’est un poète de la restauration, avons-nous dit, mais des trois ou quatre premières années de la restauration, ne l’oublions pas. Ses poésies d’essai, dédiées à Louis XVIII, dont la critique auguste lui avait fait faire dans la dédicace une grave correction (faveurs au lieu de bien-

    les Débats, et bien plus vivement, les mêmes reproches. Je ne rappelle ces critiques que parce qu’elles font honneur aujourd’hui au goût, si hardi pour lors, de M. Delatouche.

  1. Lycée, tom. IV, pag. 51.