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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

point le plus extrême, mais qui fut continuelle jusqu’à son dernier soupir. Ses Préludes poétiques, publiés en 1827 comme le ballon d’essai d’une Académie provinciale qui protestait contre la centralisation de Paris, n’attirèrent que très peu l’attention et ne pouvaient la fixer. La province revendique De Loy avec une sorte d’orgueil que l’on conçoit, mais qu’il serait mieux de réduire. La province, certes, possède mille dons d’étude, de sensibilité, de vertu ; mais le goût, il faut le dire, y est chose plus rare et plus cachée qu’à Paris, où, du reste, on le paie si cher. La banalité gâte les vers de De Loy ; tout ce qu’il rencontre lui est Pollion et Mécène, chaque gîte qui l’héberge lui est Tibur et Lucrétile ; que d’ivraie dans sa gerbe ! que de foin dans ses fleurs ! Cela ressemble avec moins de grace à cette couronne mélangée d’Ophélie. Que ce soit amitié, reconnaissance, dette acquittée dans la monnaie des poètes, je ne l’en blâme pas moralement, si tant est que sa dignité n’en ait pas souffert ; mais la poésie vit de choix, et la sienne n’y a pas songé. Ce qui ne m’empêche pas de reconnaître, croyez-le bien, tout ce qu’il y a de naturel, de sincère et de bien vite pardonné dans ses perpétuels et affectueux retours à Sattendras ou à Longiron.

Il serait injuste d’environner d’un trop grand appareil de critique l’œuvre posthume et véritablement aimable d’un poète mort sans rien d’amer et qui a vécu si malheureux. Il était un peu de ces gens dont on dit bien du mal quand ils sont loin, et qu’on embrasse, qu’on se remet à aimer irrésistiblement sitôt qu’on les revoit ; de même pour ses vers la meilleure manière d’adoucir le jugement raisonné qu’on en porte, c’est de les revoir et de les introduire en personne. Voici de bien simples stances qui achèveront de plaider pour lui

LES REGRETS.

Malheur à l’être solitaire
Qui n’a point d’amante à nommer !
S’il est des méchans sur la terre
C’est qu’ils n’ont pu se faire aimer.

Le cœur est né pour ces échanges,
Notre ame y double son pouvoir :
Et pour nous, comme pour les anges,
L’amour est l’œil, aimer c’est voir.