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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/1043

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LES BATELIÈRES DE L’ODET.

Aussi blondes que vous, toutes les cinq gentilles ;
Venez les voir. — Non, non je n’en ai plus besoin,
Pour trouver mes amours je n’irai pas si loin.

Or, sachez-le, Tina, la jeune Cornouaillaise,
Forte comme à vingt ans est mince comme à treize,
Et jamais je n’ai vu, d’Édern à Saint-Urien,
Dans l’habit de Kemper corps pris comme le sien.

« Ainsi, continuai-je en abordant à terre,
Tina, je vous conduis tout droit chez votre mère,
De là chez le curé. Jeune fille, irons-nous ? »
Et Tina répondit : « Je ferai comme vous. »
Mais Barba : « Pourquoi rire avec cette promesse ?
Si demain à Tùdi vous entendez la messe,
Vous verrez dans le chœur un officier du roi,
Dont la femme a porté des coiffes comme moi.
— Mes lèvres et mon cœur ont le même langage,
Brave femme, et je puis vous nommer un village
Où l’on sait si mon cœur à l’orgueil est enclin,
Et si j’ai du mépris pour les coiffes de lin.
— Eh bien ! venez chez moi, vous verrez mes cinq filles,
Aussi blondes que vous, toutes les cinq gentilles.
— Jésus Dieu ! soupira Tina, tout en ramant,
La méchante qui veut m’enlever mon amant !
— Non, ma bonne, je veux te garder au novice,
Ce pauvre Efflam qui meurt d’amour à ton service. »

D’un ton moitié riant et moitié sérieux
Ainsi nous conversions, et par instans mes yeux,
De peur d’inquiéter l’innocente rameuse,
Suivaient dans ses détours la côte âpre et brumeuse ;
Ou, pensif, j’écoutais les turbulentes voix
De la mer, qui, grondant, s’agitant à la fois,
Semblait loin de l’Odet gémir comme une amante,
Et vers son fleuve aimé s’avançait bouillonnante.

Vis-à-vis Benn-Odet nous étions arrivés
Là nos heureux projets, en chemin soulevés,
Moururent sur le bord. Dans un creux des montagnes