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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

invectives de Scipion Émilien, conservées par Macrobe[1], et la tragique aventure de Virginie[2].

Les chœurs que reçurent Thespis, Phrynichus et Eschyle lui-même, étaient, comme les chœurs cycliques[3], composés de cinquante membres. Mais l’effroi causé par l’entrée des Euménides dans la tragédie de ce nom[4], fit réduire à quinze[5], d’autres disent à quatorze[6], ou d’abord même à douze[7], le nombre des choreutes de la tragédie. Ces faits, qui ont soulevé de nombreuses discussions, présentent en effet de sérieuses difficultés. D’abord, Blomfield, dans la préface qu’il a mise à la tête de son édition des Perses, avance, sans preuves suffisantes, que jusqu’à Sophocle le nombre des choreutes tragiques variait suivant les besoins du drame. Il va même jusqu’à soutenir que le chœur des Euménides n’était composé que de trois personnes, parce que les croyances religieuses d’Athènes n’admettaient que trois furies[8]. Une difficulté plus grave résulte de la contradiction des deux textes qui nous apprennent la cause et la date de la réduction des chœurs. Pollux prétend que la tragédie des Euménides offrit le dernier exemple d’un chœur de cinquante membres, et le scholiaste d’Aristophane affirme que c’est de la tragédie d’Agamemnon que date la diminution des chœurs. Or cette tragédie fut jouée le même jour que les Euménides, puisqu’elle forme la première partie de l’Orestée[9], tétralogie qui se composait d’Agamemnon, des Choéphores, des Euménides et du drame satyrique Protée. Hermann[10] et Boeckh[11] se sont efforcés d’expliquer cette contradiction. Leurs systèmes, quelque ingénieux qu’ils soient, ne m’ont pas complètement satisfait. Je crois plutôt que cette révolution dans les chœurs tragiques fut moins une réduction qu’une nouvelle répartition des choreutes. En effet, l’usage ayant alors prévalu de présenter au concours, non, comme

  1. Macrob., Saturn., lib. II, cap. X.
  2. Tit. Liv., lib. III, cap. XLIV
  3. Semonid., epigram. 58, ap. Brunck., Analect., tom. I, pag. 137. — Les chœurs cycliques étaient quelquefois plus nombreux. Les habitans de Chios envoyèrent à Delphes un chœur de cent jeunes garçons (Hérodot., lib. VI, cap. XXVII.).
  4. Poll., lib. IV, § 10.
  5. Schol., in Aristoph. Equit., V, 593. — id., in Av., V, 300.
  6. Vit. Æschyl., pag. 12. — Cf. Boeckh., in Supplic. Euripid., pag. 75, seqq.
  7. Vit. Sophocl., pag. 2. — Suid., voc. ΣοφοκλῆςOttfr. Mueller, Eunenid., pag. 71, seqq.
  8. Blomfield a été réfuté par Hermann, de Chor. Eumenid. Æschyl., inter Opusc., tom. II, pag. 124, seqq.
  9. Schol., in Aristoph. Ran., v. 1148.
  10. Hermann., de Compositione Tetralog. tragicarum, inter Opusc., tom. ii, pag. 306, seqq. — Je cherche pourquoi l’illustre auteur a ajouté ici le mot tragicarum ; il n’existe, si je ne me trompe, aucun exemple de tétralogies comiques. —
  11. Boeckh., Græc. tragœd. princip., pag. 35, seqq.