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RÉFLEXIONS POLITIQUES.

tion est propre à produire l’ordre en certains temps, comme en d’autres la force et l’énergie seules assurent l’obéissance ; et elle fut accueillie avec joie, parce qu’après les rudes nécessités du 11 octobre et l’esprit rigoureux du 6 septembre, on était bien aise de voir que les formes modérées pouvaient servir à la défense et au maintien des idées modérées. Nous sommes un peu mobiles, et la nouveauté de ce spectacle charma le monde politique pendant quelque temps. Il y eut alors un moment de véritable calme. De leur côté, les cabinets de l’Europe avaient vu avec quelque inquiétude la dissolution du ministère du 6 septembre et la tendance dans laquelle se faisait le remaniement du 15 avril. On pensait à Vienne, à Berlin, à Londres même peut-être, que le système de l’intimidation était le meilleur et le plus sûr à suivre en France. C’est ainsi qu’on avait pensé là, du temps de Charles X, que le ministère du prince de Polignac était réellement le seul qui convînt dans l’état où se trouvait alors l’esprit public parmi nous. L’ordre et la paix, la prospérité, qui régnèrent alors, désabusèrent l’Europe, et elle dut d’autant plus être frappée des résultats d’un système conciliant et libéral, qu’elle voyait la France pacifiée et profondément occupée de ses intérêts matériels au moment même où, au Nord et au Midi, une certaine agitation sociale se manifestait en Europe. En Espagne, dans les provinces rhénanes, dans le Luxembourg et dans la Hollande, les esprits étaient animés et les masses prêtes à se soulever, tandis que la France, ce volcan qui effrayait les princes de l’Europe et faisait dire à l’un d’eux qu’il fallait le cerner et le laisser se dévorer lui-même, la France donnait l’exemple de la tranquillité et du respect pour la paix publique.

Nous avons été partisans de l’administration du 15 avril, parce qu’elle a fait succéder à un système rigoureux et intimidateur un système d’indulgence et de conciliation, parce qu’elle a donné l’amnistie et signalé son passage par deux actes honorables pour la France, la seconde expédition de Constantine et la prise de Saint-Jean d’Ulloa, mais surtout parce qu’elle avait su remplacer un état de choses précaire par le temps de calme et de tranquillité dont nous parlions, et parce qu’elle avait mis fin à une sombre époque où la sécurité des jours du roi était sans cesse en péril. Fidèles à nos convictions, on nous a vus défendre les actes de ce cabinet contre l’administration à la fois nulle et réactionnaire qui sortit de la fatale émeute du 12 mai. Ce ministère, né d’une coalition où toutes les opinions, même les plus extrêmes, avaient été admises, semblait n’avoir été créé qu’en vue d’assouvir des haines individuelles et de satisfaire des penchans per-