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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/397

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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

qui croient, se détrompent, s’exaltent encore, ne vérifient rien, et se jettent par une fenêtre ou se cassent d’autre façon la tête, un peu comme dans des romans de l’abbé Prévost, mais d’un abbé Prévost piqué de Werther. Chez l’abbé Prévost ils s’évanouissaient simplement, ici ils se tuent.

Les Tristes, écrits dans des quarts d’heure de vie errante, ne sont qu’un recueil de différentes petites pièces (prose ou vers), originales ou imitées de l’allemand, de l’anglais, et qui sentent le lecteur familier d’Ossian et d’Young, le mélancolique glaneur dans tous les champs de la tombe. Toujours mêmes couleurs éparses, mêmes complaintes égarées, même affreuse catastrophe. L’inconnu, auteur supposé des Tristes, se tue d’un coup de lime au cœur, comme Charles Munster (le peintre de Saltzbourg) se noyait dans le Danube, comme Gaston dans Adèle se fait, je crois, sauter la tête. Ce qui a manqué à ces personnages infortunés de Nodier, si souvent reproduits par lui, ç’a été de se résumer à temps en un type unique, distinct, et qui prît rang à son tour, du droit de l’art, entre ces hautes figures de Werther, de René et de Manfred, illustre postérité d’Hamlet. Au lieu de cela, il n’a fait que fournir les plus intéressans peut-être dans cette suite de cadets trop pâlissans, qui ont tant fait couler de pleurs d’un jour, de d’Olban à Antony.

Plus tard, pour les figures de femmes, surtout de jeunes filles, il a mieux atteint à l’idéal voulu, et, dans le charme de les peindre, son pinceau gracieux et amolli n’a pas eu besoin de plus d’effort. Remarquez pourtant comme le premier pli se garde toujours, comme le trait marquant qui s’est prononcé à nu dans la jeunesse se transforme, se déguise, s’arrange, mais se reproduit inévitable au fond et ne se corrige jamais. Même dans les plus expansives et sereines réminiscences des soirs d’automne de la maturité, même quand il semble le plus loin de Charles Munster et de Gaston de Germancé, quand il n’est plus que Maxime Odin, le doux railleur légèrement attendri, quand près de sa Séraphine, en d’aimables gronderies, il est assis sur le banc de l’allée des marronniers, le lendemain de sa nocturne enjambée au bassin des Salamandres ; quand se multiplient et se diversifient à ravir sous son récit les plus rougissantes scènes adolescentes, et (idéal du premier désir !) ce bouquet de cerises malicieusement promené sur les lèvres de celui qu’on croit endormi ; lorsque véritablement il paraît ne plus vouloir emprunter de ses précédens romans trop ensanglantés que les souriantes prémices ou les douleurs embellies, comme étaient dans Thérèse Hubert les adieux à la Butte des