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giques et les plus élevés ! C’est très bien de combattre. C’est encore plus beau de créer. L’escrime est chose fort estimable et qui met en relief l’adresse et la vigueur ; mais se diriger vers un but et l’atteindre est un plus digne objet de l’énergie humaine. Créez donc, mes amis, et comparez les créations antiques pour en saisir le sens, ce qui est encore une création. Étudiez les rapports et les influences qui ont croisé, dans tous les siècles, le tissu de la civilisation.

« C’est mieux que l’histoire littéraire ; c’est l’histoire de l’esprit humain. Parmi les anciens écrivains qui s’en sont mêlés, la plupart ont tracé de vagues nuages ; d’autres se sont contentés de dates et de titres. La grande caverne littéraire au fond de laquelle Ginguené a déposé les squelettes de plus de cent mille volumes italiens, n’apprend rien au philosophe : c’est un ossuaire complet, utile, soigneusement étiqueté. Mais il y a, dans le cours éternel de l’intelligence humaine, quelque chose de vivant et de lumineux qui manque à ce bon et savant ouvrage, comme à celui de Tiraboschi et aux essais de Simonde Sismondi sur les littératures méridionales. À considérer les races humaines dans leur masse et leur progrès, on ne peut nier qu’elles ne possèdent un génie qui varie, s’étend, s’accroît, se ramifie, se modifie, s’altère, se mêle ; chaque œuvre humaine de l’intelligence est un flot, et chacune des vagues concourt à la grande et majestueuse unité qui s’avance sous l’œil de Dieu, réflétant le ciel et les rivages. »


Philarète Chasles.