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LES RAYONS ET LES OMBRES.

Les soleils m’expliquent les roses.

Le poète, commentant, comme il le fait ici, la création par elle-même, aurait pu dire :

Le soleil m’explique les roses ;

on aurait compris ; mais, en écrivant les soleils m’expliquent les roses, il donne à penser qu’il s’agit des fleurs appelées soleils, des tournesols.

Dans la pièce intitulée : Cœruleum mare :

Cherchant dans les cieux que tu règles
L’ombre de ceux que nous aimons,
Comme une troupe de grands aigles

Personne n’ignore que les aigles ne volent pas par troupe ; ils vivent solitaires, comme tous les oiseaux de proie.

4o Expressions équivoques. M. Hugo dit, en parlant de pauvres matelots naufragés :

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !

Des têtes perdues offrent tout d’abord à l’esprit un sens fort différent du véritable.

Ce que nous avons fait tôt ou tard nous raconte.

L’auteur veut dire sans doute : raconte notre vie aux autres, et non pas à nous. Il faut un commentaire.

Pour flétrir nos hontes sans nombre,
Pétrone, réveillé dans l’ombre,
Saisirait son stylet romain…

Il ne s’agit pas ici d’un poignard, mais du stylus, dont les anciens se servaient pour écrire, et dont nous avons fait style, et non stylet, quoiqu’on puisse jouer sur le mot.

5o Images inexactes :

La borne du chemin…
S’est usée en heurtant, lorsque la nuit est sombre,
Les grands chars gémissans qui reviennent le soir.

La borne ne heurte pas les chars ; c’est elle qui est heurtée. L’image est fausse.