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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/893

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REVUE. — CHRONIQUE.

titude scrupuleuse dans la belle planche que nous avons sous les yeux. La tête est modelée avec une finesse, une précision qui ne laisse rien à désirer. Les plans du visage et l’enchâssement des yeux, la forme et l’expression des lèvres sont rendus avec une clarté qui satisfera, nous en sommes certains, les juges les plus attentifs et les plus capables de prononcer en pareille matière. L’admirable exécution de cette tête nous reporte aux meilleurs temps de la gravure ; on s’aperçoit sans peine que le burin de M. Calamatta est conduit par une main savante et sûre d’elle-même, et comme cette fois l’interprète avait affaire à l’œuvre d’un homme aussi sévère pour lui-même que pour ses élèves, il n’a rien négligé pour reproduire jusqu’aux moindres élémens de son modèle. Nous avons eu le plaisir de contempler à loisir la toile de M. Ingres, et nous pouvons affirmer, sans redouter un démenti, que la gravure de M. Calamatta donne une idée complète de l’original. Les mains sont traitées comme la tête, avec une patience et un savoir qu’on ne saurait trop louer. Toutefois nous pensons que dans la main gauche la saillie des veines est traduite avec trop de détails et peut-être aussi avec un peu de sécheresse. Nous savons que ce défaut se rencontre dans la peinture, mais il est devenu plus sensible dans la gravure, et M. Calamatta a trop de goût pour ne pas comprendre les conditions diverses qui régissent ces deux formes de l’art. Toute la partie du vêtement qui recouvre le torse est d’un bon effet, mais la partie inférieure, celle qui recouvre les cuisses, n’est pas aussi satisfaisante ; la forme des membres n’est pas assez vivement accusée. Cette critique s’applique plus directement encore à l’étoffe du pantalon : il y a là un pli en tuyau qui s’avance on ne sait pourquoi, et que nous voudrions pouvoir effacer ; mais ce pli disgracieux existe en entier dans la toile de M. Ingres, et M. Calamatta ne pouvait prendre sur lui de le corriger. Nous devons en dire autant de l’ombre et de la lumière distribuées sur l’étoffe du fauteuil ; c’est un caprice, un enfantillage qui distrait l’attention et nuit à l’harmonie générale du portrait. Toutefois, malgré ces réserves sur le sens et la portée desquelles personne ne se méprendra, le portrait de M. Molé sera certainement compté parmi les œuvres les plus savantes de la gravure contemporaine. La simplicité des procédés employés par M. Calamatta fait de cette planche un morceau capital que nous ne saurions trop recommander à l’attention publique. La science et le talent déployés dans cette planche appellent naturellement M. Calamatta à des travaux plus importans. Nous savons qu’un portrait tel que celui dont nous parlons est une véritable composition ; mais nous voudrions maintenant voir M. Calamatta entreprendre la reproduction de quelque belle œuvre de l’école italienne. La manière dont il a rendu le vœu de Louis XIII et le portrait de M. Molé est une garantie dont personne ne contestera la valeur ; aussi serions-nous heureux s’il se décidait à entrer dans la voie que nous lui indiquons.


— Le prix décerné par l’Académie française à M. Augustin Thierry, dans sa séance du 13 mai, en exécution du testament de M. le baron Gobert, a donné lieu à des attaques aussi injustes que violentes. À Dieu ne plaise que nous entreprenions de discuter la valeur historique et littéraire de tous les ouvrages soumis au jugement de l’Académie : il n’y avait pas moins de trente candidats pour le prix Gobert ; et s’il se trouve, parmi les ouvrages présentés, plusieurs livres d’un mérite incontestable, il en est aussi plus d’un dont le public ne soup-