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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

magne septentrionale. La campagne de 1799, à laquelle les Russes, commandés par Souwarof, prirent une part très active, fut malheureuse pour la république, privée alors de son grand général : mais la campagne de 1800 répara glorieusement les échecs de l’année précédente. Bonaparte, revenu d’Égypte en toute hâte, anéantit l’armée autrichienne dans les plaines de Marengo : cette victoire et celle de Hohenlinden, à la suite de laquelle Moreau s’avança jusqu’à vingt lieues de Vienne, amenèrent la paix de Lunéville (9 février 1801).

Le traité de Lunéville reproduisit en substance celui de Campo-Formio : en outre, l’empereur, traitant en son nom et au nom de l’empire, y cédait à la république française les pays allemands situés sur la rive gauche du Rhin[1]. Les princes héréditaires, dépossédés en tout ou en partie, devaient recevoir une indemnité sur le territoire de l’empire, ainsi que cela avait déjà été convenu à Rastadt. Le règlement de cette indemnité, étant une affaire purement allemande, aurait dû être laissé à l’empereur et à l’empire, si l’on s’en était tenu aux principes ordinaires de droit public ; cependant il n’en fut pas ainsi. Une députation d’empire fut chargée, il est vrai, de régler les droits de tous les intéressés, mais sa nomination n’eut lieu que neuf mois après la signature du traité, et ce ne fut qu’une vaine formalité qui ne put tromper personne : toutes les décisions relatives aux principaux changemens territoriaux étaient prises d’avance, lorsque cette assemblée commença son travail, et elle n’eut guère qu’à les enregistrer. La France exerça une véritable dictature sous le nom de médiation : tout fut réglé à Paris par des négociations particulières entre le gouvernement consulaire et les divers états d’empire ; médiatrice aussi, la Russie intervint activement en faveur de quelques princes qui avaient des rapports de parenté avec le czar. La confiscation des principautés ecclésiastiques fut résolue dès le principe, malgré l’opposition de l’Autriche, qui, soit par esprit de justice, soit dans l’intérêt du pouvoir impérial, désirait en sauver au moins une partie. Or, ces principautés, en y joignant les villes libres qui devaient être aussi supprimées à peu d’exceptions près, formaient une masse de territoire très supérieure à ce que les princes laïques sacrifiaient sur la rive droite du Rhin. Ceux-ci pouvaient donc, en s’y prenant habilement, se faire indemniser bien au-delà de leurs

  1. Bonaparte, qui était pressé d’en finir, n’avait pas même laissé à l’empereur le temps de demander à la diète les pleins pouvoirs dont il aurait eu besoin pour pouvoir traiter régulièrement au nom de l’empire.