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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/510

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REVUE DES DEUX MONDES.

exciter nos alarmes et nous porter à élargir, dans le plus bref délai, le cercle d’où nos manufactures les plus importantes tirent leurs matières premières. »

Telles sont, dans leurs principes et dans leurs conséquences, les trois principales des causes accidentelles qui provoquent les crises commerciales en Angleterre. C’est assurément pour un pays une situation assez fâcheuse que d’être soumis à l’action périodique d’influences de cette nature. Cependant le mal sérieux de l’Angleterre est ailleurs encore. Ces influences, d’autres pays, les États-Unis surtout, les ont subies, et cependant elles n’ont pas produit sur eux les mêmes désastres. Certes les annales du commerce ne mentionnent pas de catastrophe plus violente que celle qu’a fait éclater, il y a peu d’années, sur l’Union américaine la déconfiture de ses banques ; il est certain cependant que cet ébranlement a produit beaucoup moins de maux aux États-Unis que le simple contre-coup n’en a suscité en Angleterre. S’il y a eu aux États-Unis d’effrayans bouleversemens de fortune, la condition des masses n’a pas été profondément affectée ; les capitaux et le travail ont continué à trouver de l’emploi dans ce champ illimité. Comment donc s’expliquerait-on les souffrances si cruelles et si générales qui ont frappé le peuple anglais à la suite de la crise américaine, s’il ne fallait pas attribuer à un mal permanent, qu’ils ne font qu’aggraver, la terrible puissance des accidens temporaires auxquels les observateurs superficiels attribuent exclusivement ces désastres ? Voilà la question que M. Gladstone est amené à se faire, et il n’en dissimule pas la gravité. « Un pays, ajoute-t-il, dans lequel une portion considérable de la population est sous la dépendance du commerce étranger est exposé à des dangers plus formidables que des détresses temporaires. Des causes de décadence plus profondes peuvent y agir lentement, d’une manière imperceptible, avec une nécessité fatale. Une altération dans les grandes voies de communication, des inventions faites à l’étranger, l’acquisition par des états rivaux d’une puissance supérieure dans l’application du travail, et des coalitions hostiles : ces causes peuvent aujourd’hui comme autrefois conduire à ces révolutions du monde commercial, à ces renversemens des dominations industrielles dont les cités italiennes, la ligue hanséatique et la république de Hollande ont été successivement victimes. »

Les causes permanentes de souffrance ou de décadence, pour le commerce britannique, sont au nombre de trois : la concurrence que les industries étrangères font à l’industrie anglaise, la concurrence que les capitaux et les travailleurs se font en Angleterre même, enfin