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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/635

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SOUVENIRS D’UN NATURALISTE.

Une seule fois, les prévisions de la science se trouvèrent en défaut. Pour faciliter l’arrivage des pierres qu’il fallait aller chercher à plusieurs lieues, et façonner à Bréhat, l’habile ingénieur qui avait fourni tous les plans, qui en surveillait l’exécution, voulut construire un débarcadère en bois sur le lieu même du travail. Quelques vieux marins firent vainement des objections à ce projet. M. Reynaud ne connaissait pas encore la mer, et fier d’avoir dompté le courant de fleuves rapides, il comptait sur ses poutres massives reliées par des crampons de fer et de bronze. Il fut bientôt forcé de reconnaître son erreur. Un jour, l’Océan se leva, et deux marées suffirent pour disperser comme des brins de paille ces lourds et solides matériaux. Le savant élève de nos écoles dut alors accepter les conseils d’un obscur charpentier de Bréhat. Une chèvre fut placée sur un rocher à pic, au pied duquel pouvaient arriver les gabarres, et l’on transporta les matériaux à l’aide d’un chemin de fer jeté sur le précipice qui séparait ce débarcadère naturel de l’emplacement de la tour.

Nous venons d’admirer l’extérieur du phare ; suivez-moi maintenant dans l’intérieur, à l’aide de cette échelle formée de barreaux de cuivre enchâssés dans la pierre. Donnons en passant un coup d’œil à ces lourdes portes de bronze qui ferment hermétiquement l’entrée, et pénétrons sous ces voûtes qu’on dirait taillées à vif dans le roc. Nous sommes au premier étage. Autour de nous sont les magasins de bois, de cordages, et la menuiserie. Au-dessus nous trouvons les caisses de zinc renfermant la provision d’huile qui doit alimenter le fanal, et l’eau destinée à la boisson des gardiens. Au troisième étage sont placés la cuisine, le garde-manger de plain-pied avec la première galerie. Passons rapidement devant les trois chambres destinées aux gardiens ; elles sont simples et propres sans rien offrir de remarquable. Mais nous voici au septième étage, et nous allons nous reposer un instant dans ce petit salon octogone lambrissé, parqueté, ciré. C’est la chambre destinée aux ingénieurs qui viennent inspecter le phare. Ici, au milieu de l’Océan, à cent pieds au-dessus des vagues, vous trouvez réunis le comfortable et presque l’élégance d’un appartement parisien. Voici des cadres à l’anglaise pour passer la nuit ; voici des meubles d’acajou, une cheminée de bronze et de marbre. Vous reconnaissez dans les moindres dispositions l’intelligente économie qui préside à l’emménagement des navires, et sait doubler l’espace disponible en mettant à profit le moindre recoin.

Reprenons maintenant la spirale de pierre qui nous a conduits jusqu’ici ; nous allons entrer dans la partie de l’édifice plus particulière-