Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/688

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
684
REVUE DES DEUX MONDES.

de 1834 et de 1835. Désespérant de résoudre les problèmes si violemment agités en Espagne, la presse française, avec une réserve qui ne lui est pas ordinaire, hésite aujourd’hui pour la première fois à se prononcer sur tout ce qui se passe au-delà des Pyrénées. On serait tenté de croire que pour elle l’état présent de la Péninsule n’est plus qu’un pêle-mêle tumultueux de passions égoïstes, s’efforçant à l’envi d’étouffer les principes, un amas incohérent de contrastes dont il est impossible que l’on se rende raison.

Que M. Gonzalès-Bravo, en substituant l’arbitraire ministériel au gouvernement représentatif, ait fourni lui-même un prétexte au pronunciamento d’Alicante, cela ne nous paraît point contestable ; mais si l’on tient à découvrir la vraie cause des convulsions du moment, il faut remonter jusqu’à la crise d’où le ministère est sorti. Les mouvemens divers des partis, leur attitude à l’égard du cabinet Gonzalès-Bravo, les actes de ce cabinet, sa faiblesse apparente, sa puissance réelle, tout s’explique par les secrets incidens de cette crise, qui dès l’instant où elle a commencé, n’a point cessé de remuer les esprits. Il semblera opportun, si l’on songe aux calamités qui en sont résultées déjà, de mettre à nu les misérables intrigues de palais qui ont enrayé, compromis en Espagne l’œuvre de la réorganisation politique et administrative. Par les fautes qu’ils ont pour ainsi dire pris à tâche de commettre dans les trois dernières journées de novembre, et depuis ces journées déplorables, les hommes influens des deux partis ont créé les embarras actuels. On ne peut les bien faire comprendre si l’on ne s’attache à définir la part de responsabilité qui revient à chacun d’entre eux dans les évènemens qui ont amené la chute de M. Olozaga et porté M. Gonzalès-Bravo à la présidence du conseil. Il n’entre point dans notre pensée d’incriminer ici aucun des deux partis : aucun, nous espérons en donner la preuve, ne répondra devant l’histoire de la terrible extrémité où des ambitions personnelles ont réduit la monarchie. C’est le plus grand malheur de l’Espagne que modérés et progressistes se laissent encore pour la plupart aveuglément mener par leurs chefs.

Nous ne reviendrons point sur des évènemens connus de l’Europe entière, ni par conséquent sur les causes qui ont amené la dissolution du cabinet Lopez. En un temps d’émeutes et de troubles, le cabinet Lopez avait été un gouvernement provisoire : il ne pouvait pas être un simple ministère, sous une reine déclarée majeure et en présence des cortès réunies. Il ne s’agissait plus de décrets révolutionnaires ni de mesures exceptionnelles ; il fallait compter avec les chambres et s’occuper enfin sérieusement de réformer la législation du pays. C’était là une tâche que M. Lopez se trouvait absolument hors d’état d’accomplir. Il n’y a personne dans la Péninsule qui ne rende hommage aux rares qualités oratoires de M. Lopez, personne également qui ne lui conteste l’habileté politique et la science du gouvernement. M. Lopez est un tribun, non pas, il est vrai, à la façon de ceux qui, durant notre première révolution, menaient les assemblées législatives ; il rappelle plutôt ces beaux parleurs de la constituante, que les sarcasmes de Mirabeau réduisaient