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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/690

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pour lui de la composition du cabinet, et il dut chercher à prévenir les conséquences d’une première faute. Alarmé des dispositions manifestement hostiles du parti progressiste, et craignant aussi peut-être que les modérés ne finissent par l’abandonner, le président du conseil essaya de se créer un appui dans l’armée et dans le pays. Voilà pourquoi sans aucun doute il rendit le décret qui reconnaissait les graces et les faveurs accordées par Espartero durant les derniers jours de son agonie politique. Dans les conditions difficiles où se trouvait le gouvernement de Madrid, cette mesure était des plus maladroites. De tous côtés, il n’était bruit encore que de menées et de conspirations espartéristes ; de tous côtés, dans les provinces, dans les ports de mer, dans les grandes villes, dans la capitale du royaume, se constituaient en secret des juntes et des comités ayacuchos. Et c’était le moment que choisissait M. Olozaga pour relever les créatures et les amis de l’ancien régent, pour les imposer aux troupes qui les avaient repoussés elles-mêmes, et les mettre en présence des chefs qui venaient de les renverser ! M. Olozaga brisait de gaîté de cœur la situation que lui avait faite l’alliance des deux partis. Modérés et progressistes se prononcèrent avec une égale énergie contre un décret qui ramenait en triomphateurs dans les rangs de l’armée et dans les branches diverses de l’administration bien des hommes qui ne devaient y reparaître qu’à titre d’amnistiés. Le mécontentement que les uns et les autres en éprouvèrent s’exhala brusquement, non dans les cortès il est vrai, mais dans les salons de Madrid et dans de simples réunions particulières. C’était une seconde faute que venait de commettre M. Olozaga. On s’est trompé toutefois en affirmant que cette mesure avait déterminé la crise qui devait emporter le nouveau ministère. La cause véritable de cette crise, ce fut la rivalité qui éclata au sein même du cabinet entre le ministre de la guerre et le président du conseil. Plus on y songe, et moins il est aisé de comprendre que M. Serrano et M. Olozaga aient perdu en de mesquines intrigues le temps qu’ils pouvaient consacrer à la réorganisation de leur pays. D’unanimes sympathies eussent bien vite récompensé leurs efforts ; mais pour opérer les immenses réformes que réclame l’état de la Péninsule, il fallait des ministres et non point des courtisans. L’Espagne attendait des Turgot et des Colbert ; elle ne trouva que des Villeroi et des Chamillard.

L’avénement de M. Olozaga aux affaires avait de beaucoup amoindri l’importance du général Serrano. Sous le ministère Lopez, c’était le jeune ministre de la guerre qui, en réalité, présidait le conseil ; avant que M. Olozaga rentrât de son ambassade, il exerçait dans le palais une autorité à peu près absolue. Ce fut donc de sa part une preuve de modération incontestable que d’accepter un rôle tout-à-fait secondaire dans le cabinet de M. Olozaga. Mais si dans le président du conseil M. Serrano reconnaissait la supériorité du talent, s’il se résignait à ne point disputer la prééminence politique, il n’était pas de si facile composition à l’égard de la faveur royale. Il convient d’établir ici nettement quelle était chez la reine la position particulière de M. Olozaga