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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/1095

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LA SUÈDE SOUS BERNADOTTE.

Sous le rapport géographique, la réunion de la Suède et de la Norvége est certes très rationnelle et présente de notables avantages. Les deux royaumes ne forment qu’un même sol où les fleuves, les canaux, les lacs et les grandes routes offrent au commerce et aux voyageurs de nombreux et faciles moyens de communication. Quand la Suède possédait la Finlande, elle était défendue par un large boulevard contre son voisin le plus redoutable et son ennemi le plus puissant. Elle avait des forteresses jusque sur les confins de la Russie, elle occupait le golfe qui touche à la Neva. Sans sortir de son territoire, elle touchait aux portes de Pétersbourg et épouvantait Catherine dans les voluptueuses mollesses de son boudoir. Quel changement aujourd’hui ! C’est la Russie qui a repris tout ce terrain dangereux, tout ce champ de bataille disputé tant de fois et tant de fois inondé du sang de ses soldats. La Russie possède à présent toute la ligne septentrionale qui longe la péninsule Scandinave, depuis le golfe de Finlande jusqu’au sein de la mer Glaciale. Au nord, elle n’est séparée de la terre suédoise que par un ruisseau que ses troupes franchiraient en été à pied sec ; au sud, elle occupe et fortifie l’archipel d’Aland, situé à quelques lieues de Stockholm. Pour entrer à pleines voiles dans la rade de la capitale de la Suède et faire flotter son pavillon au pied du palais des successeurs de Gustave-le-Grand, elle ne serait arrêtée que par les canons qui gardent la passe étroite de Waxholm ; mais la trahison qui lui livra en 1808 la forteresse de Sveaborg, que les ingénieurs déclaraient imprenable, ne lui livrerait-elle pas encore au moment opportun le dernier rempart qui protége Stockholm ? La Russie s’entend à faire des conquêtes, et là où ses armes se brisent, elle a recours à l’or et à la diplomatie. La voilà qui des rives de la Suède étend son réseau sur le Danemark. Elle donne pour épouse au jeune duc de Hesse la princesse Alexandra. Le prince royal de Danemark n’a point d’enfans ; la couronne, après lui, revient de droit à ce jeune duc, gendre de Nicolas. Il arrivera donc, selon toute probabilité, un jour, et ce jour n’est peut-être pas éloigné, où la Russie, qui domine déjà la Suède, dominera par son ascendant sur le Danemark toute la mer Baltique et la mer du Nord. Les peuples Scandinaves, fiers de leur ancienne liberté, jaloux de leur indépendance, comprennent bien le péril qui les menace, et se révoltent à l’idée de ne pouvoir s’y soustraire. La mariage du prince de Hesse a excité en Danemark une violente agitation. La presse, bravant les rigueurs de la censure, s’est montrée dans cette circonstance le fidèle interprète de l’opinion publique. Les journalistes ont été traduits de-