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REVUE. — CHRONIQUE.

qu’elles se réservent de les demander en échange d’actions déjà livrées à l’agiotage, et l’état n’obtiendrait-il pas les mêmes capitaux des mêmes prêteurs à des conditions beaucoup plus favorables ? Faut-il accepter l’intermédiaire de compagnies de spéculateurs qui veulent retirer 10 et 15 pour 100 des rails qu’elles auront posés, lorsqu’on peut s’adresser directement aux rentiers pour obtenir à des conditions beaucoup plus favorables l’argent avec lequel l’état achètera les rails ? Faut-il, en un mot, emprunter à un cours exceptionnel lorsqu’on peut emprunter au cours de la place ?

Voilà ce que diront avec insistance et énergie les partisans chaque jour plus nombreux de l’exécution par l’état. Nous ne prétendons pas nous associer d’une manière absolue à une théorie souvent plus spécieuse que fondée ; mais, pour répondre à une telle argumentation, pour n’être pas accusé de servir des intérêts particuliers chaque jour plus puissamment patronés, un seul moyen restera au gouvernement, celui d’établir que le maximum des conditions qu’il propose de faire aux compagnies n’excède pas la mesure d’un bénéfice modéré et légitime. Les concessions faites par la compagnie du Nord depuis la clôture de la session dernière ne sont pas de nature a déterminer la chambre à des résolutions hâtives. Elle s’est trop bien trouvée d’un retard qu’on n’hésitait point alors à qualifier de funeste pour vouloir désormais aliéner l’avenir, et s’engager avec des compagnies avant que celles-ci soient en mesure de commencer la part de travaux qui leur est affectée dans le système de la loi de 1842. Or, deux années au moins s’écouleront avant que le chemin proposé de Paris à Lyon et celui d’Orléans à Bordeaux soient en mesure de recevoir des rails sur aucun point de leur vaste parcours. Quelque habileté qu’on ait pu mettre à lier cette dernière affaire à celle d’Orléans à Tours, on saura bien les distinguer, et faire comprendre à la chambre que ce chemin seul appelle une décision prompte et définitive. Concéder à une compagnie l’un des tronçons les plus productifs de tout le royaume, pour la déterminer à une entreprise vaste sans doute, mais pour laquelle l’état, après avoir pris à sa charge plus des deux tiers de la dépense, octroie une concession d’environ quarante-sept ans, c’est épuiser trop tôt, et sans aucune urgence, la dernière mesure des sacrifices. Il est à croire que la chambre, à défaut de sa commission, saura distinguer ce qui a été confondu. La considération du parlement est engagée tout entière dans ce débat : il sera, nous aimons à le penser, aussi jaloux de la maintenir que de préserver les intérêts généraux du pays.

Une matière non moins grave appellera bientôt après l’attention de la chambre. M. le ministre du commerce a présenté la loi de douanes destinée à régulariser les ordonnances provisoires rendues dans l’intervalle des deux sessions, et à obtenir la sanction législative pour les traités de commerce conclus par les soins de M. le ministre des affaires étrangères.

On sait que l’année 1842 n’a pas réalisé toutes les espérances que permettait de concevoir la prospérité des années précédentes. La crise industrielle de l’Angleterre, celle des États-Unis, les modifications introduites en Espagne