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REVUE. — CHRONIQUE.

de la chambre des pairs par M. Rossi, tant au sujet des fonds secrets que dans le débat sur l’instruction secondaire. À deux reprises différentes M. Rossi a obtenu un brillant succès ; il a conquis une belle place parmi les orateurs de la chambre des pairs, dont l’atmosphère convient tout-à-fait à son élocution spirituelle et déliée, à son talent un peu froid, mais ingénieux et toujours fécond en aperçus pleins de sagacité. Les idées déjà développées par M. Rossi acquéraient plus d’importance en passant par la bouche de M. Guizot, parlant au nom du gouvernement, d’autant plus que cette fois on s’attendait à les voir accompagnées d’une conclusion que M. Rossi n’avait pas qualité pour y mettre ; mais M. Guizot n’a pas conclu : il s’est contenté de peindre la situation, sans indiquer quels remèdes le gouvernement croyait pouvoir apporter aux inconvéniens fort graves de cette situation. C’est déjà chose triste que cette conviction d’impuissance, mais n’est-il pas plus fâcheux encore de la proclamer ? N’est-ce pas annuler soi-même l’effet qu’on se proposait de produire par des paroles sévères adressées à la portion turbulente du clergé. ?

Quand il faudrait prendre un parti, le ministère s’abstient ; puis, dans des circonstances où il devrait s’abstenir, il agit d’une manière malheureuse. Nous ne savons vraiment pas pourquoi le cabinet n’est pas resté neutre dans la question concernant M. Charles Lafitte. Une portion considérable de la chambre, mue par les plus louables scrupules, ne veut pas reconnaître la validité d’une élection qui lui paraît être le prix d’un marché conclu entre des électeurs et un candidat. Pourquoi le ministère est-il assez mal inspiré pour considérer ces scrupules comme un acte d’opposition ? N’eût-il pas été plus politique et plus digne de les approuver hautement ? Au moins la neutralité était commandée par toutes les convenances. Non, le ministère a pris parti, et il a vu se déclarer, non-seulement contre le candidat de Louviers, mais contre lui, une majorité de 18 voix. Ce résultat est dû en partie à l’argumentation serrée, à la parole chaleureuse de M. Léon de Maleville. La chambre a donc annulé pour la troisième fois l’élection de M. Charles Lafitte : elle a été fidèle au conseil que lui avait donné le cabinet à l’époque de la première élection ; ce n’est pas la chambre qui a changé de manière de voir, c’est le ministère.