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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/661

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DE LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALE.

homme, le Christ est le serf de Dieu et notre frère, et il est resté de droit notre supérieur, puisque seul il est demeuré fidèle à Dieu. À ce double titre, le Dieu-homme est le ministre de la rédemption, il se sert de son pouvoir pour nous racheter, et il se présente à nous comme le juge du monde et le chef de l’église. Par nous-mêmes nous serions impuissans à nous réunir ; nous n’avons pas assez de foi dans les principes abstraits de la raison ; à chaque instant, l’amour terrestre subjugue l’amour universel qui nous attache à tous les hommes. C’est Dieu lui-même qui nous réunit en se communiquant à nous d’une manière surnaturelle. Quand cela arrive, Dieu n’est plus une idée abstraite ; il reçoit les formes positives de la révélation, il se fait sentir à nous dans le sentiment spécial de la grace (sentimento deïforme). Alors la société universelle, qui n’était qu’une possibilité, devient une réalité dans l’église, et nous agissons en vertu d’un miracle.

Les progrès de l’église sont les progrès de l’amour ; l’histoire de l’église, pour M. Rosmini, est un miracle continuel. Le perfectionnement de la théocratie lui présente quatre degrés, les quatre degrés de la communion entre l’homme et Dieu. 1o D’abord l’homme ne reçoit de Dieu que la lumière qui se trouve dans l’idée de l’être possible. Cette lumière suffit à lui révéler l’existence des objets, à lui en montrer la valeur ; son intuition s’arrête devant la nature finie ; nous n’aimons pas Dieu, nous aimons la création. Il est vrai que l’intelligence humaine peut découvrir l’existence de Dieu ; mais cette induction, bien que logiquement nécessaire, ne peut produire par elle-même ni la persuasion, ni la foi. 2o La théocratie, à peine ébauchée et tout incertaine dans les lumières de la raison naturelle, se développe lorsque Dieu se manifeste par les prodiges de la révélation ; les preuves se présentent plus claires, plus nombreuses, et la persuasion qui nous unit à Dieu se raffermit. 3o Par la grace, le lien entre l’homme et Dieu change de nature ; nous avons le sentiment de la divinité, et partant une activité divine, car tout sentiment provoque une action. 4o Par l’incarnation, la société théocratique se complète, Dieu s’empare de l’homme, la personne humaine disparaît ; dans le Christ il n’y a plus qu’une personne divine, nous sommes identifiés avec le souverain bien.

Le Christ nous réunit dans la théocratie parfaite ; il élève par la grace la société naturelle à l’état surnaturel de la société religieuse. Avant le baptême, Dieu était notre maître ; il ne gouvernait pas, il commandait, son règne était une domination (signoria). Dans l’ère nouvelle, le Christ vient établir le gouvernement de Dieu à la place de la domination, le baptême nous unit à l’homme-Dieu, et l’association de tous