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elle est la sopranazione et il capo-popolo, que les Italiens sont les lévites de la chrétienté, que Rome est le nombril de la terre.

En train de renouveler le monde, M. Gioberti jeta les yeux sur M. Rosmini, lui prodigua les éloges, et lui offrit son alliance. Le prêtre tyrolien répondit par quelques pages très polies et très froides. L’abbé turinois n’admit pas un instant qu’on pût douter de son génie ; M. Rosmini, se dit-il, plaisante, il se moque de ses lecteurs ; dans sa pensée, il me vénère. M. Tarditi lui fit comprendre avec beaucoup d’humilité que, malgré tout son talent, l’ontologie, la psychologie et le pape se livraient un combat perpétuel dans ses ouvrages. Qu’on juge de la colère de l’abbé turinois. M. Gioberti injuria, calomnia, dénonça ; il n’épargna ni scandales, ni ruses ; il voulut faire passer son adversaire pour un moine et M. Rosmini pour l’auteur de l’opuscule de M. Tarditi. Suivant lui, le rosminianisme devait être extirpé de l’Italie, c’était un poison emprunté aux barbares, une doctrine qui conduisait au nihilisme, au panthéisme, à l’athéisme, à toutes les hérésies possibles, et il écrivit deux énormes volumes en disant à ses adversaires que « c’était courtoisie d’être vilain avec eux, » et qu’il voulait sortir de sa politesse et de sa modération habituelle. Ce fut alors que M. Gioberti devint un génie pour les habiles gens qui accusaient M. Rosmini de reproduire les erreurs de Bay, de Quesnel, de Jansénius et de Luther sur le péché originel. Réduits au silence par la cour de Rome, les jésuites appuyèrent de toutes leurs forces le nouveau champion de l’église. — En présence d’un homme qui reproduisait avec exagération toutes ses tendances, M. Rosmini, insulté devant le pays après avoir fondé une école nationale, diffamé devant l’église après avoir fondé un ordre religieux, ne répondit pas un mot à M. Gioberti, et continua à combattre les jésuites. « On s’étonne, dit-il dans un de ses derniers écrits contre les révérends pères, on s’étonne de voir que je réponds quelquefois à des hommes assez peu considérés : je ne dois rien épargner pour éclairer mes confrères. On a voulu m’arracher à la communion des fidèles ; à qui pourrais-je m’adresser s’ils devaient se méfier de moi ? Toute ma doctrine est morte si elle est hétérodoxe. Le silence ne m’est permis, ne m’est imposé que devant ceux qui voudraient m’engager dans des polémiques de vanité personnelle. » Aujourd’hui M. Gioberti, toujours le même, soutient avec son aplomb ordinaire que le rosminianisme est extirpé : ce serait insulter M. Rosmini, qui est si religieux, que de supposer qu’il persiste encore dans ses abominables hérésies ; M. Rosmini ne répond pas, donc il s’est ré-