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faut d’urgence faire partir un navire. Aussi qu’arrive-t-il ? que sous l’empire de ce régime d’urgence, on a vu des navires quittant à plusieurs reprises l’atelier pour remplir des missions, y revenant chaque fois avec des avaries plus graves, et mis enfin complètement hors de service. Ce fait que l’on signale accuse à la fois l’insuffisance des ateliers et des moyens de réparation, et l’insuffisance des navires.

À Toulon, où, par la force des choses, s’est concentrée toute l’activité de la marine à vapeur, ce régime d’urgence a passé à l’état normal. Pour satisfaire aux besoins toujours croissans de la politique et de l’occupation, on y a appelé presque tous les navires à flot, on y a fondu dans une seule agglomération tous les services : service militaire, service de dépêches et de transport ; tous les bâtimens y concourent sans distinction, sans qu’on puisse jamais arriver à en satisfaire complètement un seul. Dans cette espèce d’anarchie, tout souffre, tout dépérit, et, tandis que les dépenses courantes s’accroissent outre mesure, on lègue à l’avenir des charges plus lourdes encore par l’usure et le dépérissement prématuré d’un matériel précieux.

C’est là une cause sérieuse de dépenses dont il est juste de se préoccuper. Les vues économiques des chambres n’y sont pas moins intéressées que l’avenir et le progrès de la marine à vapeur. De deux choses l’une : il faut mettre une limite à ces besoins toujours croissans, toujours insatiables, ou égaler aux besoins les forces de cette marine dont on paralyse l’essor par l’abus qu’on en fait.

À partir du chiffre 34[1], on compte 9 bâtimens à flot, tous au-dessous de 160 chevaux. Ces bâtimens, trop petits pour recevoir beaucoup de combustible, trop faibles pour porter du canon, ont été construits pour des services spéciaux et de localité, soit dans les colonies, soit sur nos côtes.

Résumons en peu de mots cet examen : on a d’abord établi que le chiffre de 103 navires se réduit à 43, constituant ce que l’on a appelé la partie militaire de la flotte à vapeur.

Sur ces 43 navires, 16 à 18 sont en réquisition permanente pour le service d’Afrique ; 9 autres, trop faibles pour figurer comme bâtimens de guerre, sont affectés à des services de localité.

Il reste donc 16 à 17 navires disponibles pour les missions éventuelles et pour les stations à l’étranger ; sur ce nombre on en compte 3 de 450 chevaux, 1 de 320, 6 de 220, et le reste de 160 et au-dessous.

Tel est l’enjeu qu’au début d’une guerre la France aurait à livrer à la fortune des batailles !

On croit à propos de présenter à la suite de cet aperçu l’état de la marine à vapeur de l’Angleterre ; il pourra surgir de ce simple rapprochement des enseignemens utiles.

Une publication officielle nous apprend d’abord que le chiffre total des armemens était, en mars dernier, de 77.

  1. Voir tableau no 1.