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DE LA LITTÉRATURE POLITIQUE EN ALLEMAGNE.

moindres choses de la nature arrachent à ce cœur naïf des réflexions charmantes ; il s’écrie gaiement à la vue du soleil qui rend tout si joyeux : « En vérité, c’est toi qui sais régner, doux rayon de soleil ! » S’il rencontre une noce de village qui chemine sans musique, il prend son violon et l’accompagne. Une grace malicieuse, une ironie aimable circule dans tous ces détails et les relève. Tout se termine enfin par une éblouissante vision, dans laquelle s’éteint l’ame du prince ; de sphère en sphère, de monde en monde, sa musique chérie le porte vers Dieu, et lui fait comprendre partout cette magnifique harmonie qu’il a poursuivie avec tant de bonté dans son duché de Mersebourg.

Cette œuvre, gracieuse et fine, ne serait-elle pas elle-même une réponse à M. Herwegh ? Pourquoi une si douce fraîcheur après la chaleur souvent un peu factice des Poésies d’un Vivant ? Pourquoi une si calme harmonie après les accords stridens du fer ? Pourquoi cela, si ce n’est un conseil habile, une ingénieuse remontrance ? Je crois y voir aussi le désir d’appeler la muse sur un terrain plus digne et plus élevé. Assurément ce petit poème n’a pas de grandes prétentions, et il ne conviendrait pas de lui accorder plus d’importance qu’il n’en réclame. C’est un essai, une introduction, mais qui promet beaucoup, si je ne me trompe, et fait entrevoir des horizons inattendus. Nous le saurons bientôt. Ce que j’ai voulu surtout indiquer, c’est que le poète à qui l’on doit le mouvement de la poésie politique en Allemagne ouvre maintenant une route nouvelle. Il avait montré aux jeunes poètes une carrière difficile où la Muse a quelquefois souffert ; il la conduit maintenant sur de plus hauts sommets. Voici déjà qu’on se prépare à l’y suivre ; les journaux nous apprenaient dernièrement qu’un écrivain fort distingué, M. Charles Bekk, avait lu, à Elbingen, des fragmens d’un poème politique intitulé la Résurrection. Cette œuvre, qu’on annonce avec beaucoup d’éloges, se distinguerait des lieux communs devenus à la mode par une composition savante et un sentiment élevé de la poésie. Nous pourrons en juger dans quelques mois, et nous saurons si cette nouvelle tentative, si cette nouvelle direction doit être plus féconde que la première.

Que dire, en effet, pour tout résumer ? Comment formuler une conclusion qui ne blesse pas les susceptibilités littéraires de nos voisins ? Je m’efforce, avant tout, d’être juste. Il y a plusieurs mois, un des jeunes écrivains qui s’annoncent avec le plus d’éclat en Allemagne, M. Levin Schücking, me reprochait dans la Gazette d’Augsbourg d’être trop sévère pour les poètes de son pays ; puis, une page plus loin, il se plaignait lui-même de l’absence de la critique dans les lettres alle-