Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/988

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



LA
POÉSIE GRECQUE
EN GRÈCE.

Souvent la critique a été trop casanière. Chacun peut, il est vrai, sans sortir de son cabinet, étudier et sentir les chefs-d’œuvre de la poésie ; mais il manquera toujours quelque chose à cette étude et à ce sentiment tant qu’on n’aura pas visité les pays où vécurent les grands écrivains, contemplé la nature qui les inspira, et retrouvé pour ainsi dire leur âme aux lieux où elle est encore empreinte. Comment comprendre leur coloris si on ne connaît pas leur soleil ?

Grâce à la facilité qu’on trouve aujourd’hui à voyager, j’ai parcouru sans peine le resplendissant théâtre de la poésie grecque depuis la Grèce gauloise, la phocéenne Marseille, Arles, qui s’appela Théliné, et notre Crau, déjà célébrée par Eschyle, jusqu’à Constantinople, qui touche à l’Euxin, cette autre extrémité du monde grec, où les poètes entrevoyaient dans un lointain fabuleux la mer des Argonautes, les Symplégades errantes et les autels sanglans de la Tauride. Entre ces deux pôles de la tradition poétique des anciens Hellènes, j’ai navigué sur la scène maritime de l’Odyssée et j’ai côtoyé la scène terrestre de l’Iliade ; j’ai vu le pays bucolique de Sicile et les montagnes tragiques de Mycène, j’ai pu comparer la triste Phocide pleine d’Œdipe et la