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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/1103

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titre d’indemnité aux indigènes des Mouzaïas, et on arrivera au total de 12,642 francs, somme qui s’augmentera proportionnellement aux résultats constatés. Certes, c’est obtenir à peu de frais une propriété qui, probablement, doit acquérir une valeur considérable. Quoi qu’il en soit, il y a justice à remarquer que les actes de l’administration, à l’égard de la compagnie marseillaise, sont loin de présenter le caractère de la complaisance. Dans une affaire sans précédens, on s’en est tenu à la stricte application des lois de la métropole. A défaut d’expérience acquise sur l’étendue qu’il convient de donner en Algérie aux entreprises métallurgiques, on crut assez faire en réduisant de quatre cinquièmes les prétentions des demandeurs ; d’ailleurs, à cette époque, la fondation d’un établissement semblable, au milieu des indigènes, paraissait aux yeux de tous une témérité, à tel point que, dans le premier acte de concession, on inséra que l’état ne garantissait pas à la compagnie des Mouzaïas la protection assurée aux Européens dans les territoires civils.

A peine nantis de leur privilège, les concessionnaires jetèrent les bases d’une société d’exploitation. Un procès récent a fait connaître des détails assez piquans, que la publicité de l’audience nous autorise à répéter. Maîtres d’un petit royaume en Algérie, MM. Henry frères et Montgolfier avaient eu d’abord l’idée d’y fonder deux dynasties collatérales : rien de nouveau sous le soleil ; cette constitution était celle de Sparte. Aux termes de leur charte industrielle, les fonctions d’administrateurs-gérans, déférées à MM. Pancrace et Antoine Henry, devaient être conservées et transmises héréditairement dans leur famille, de mâle en mâle et par droit de primogéniture, jusqu’à extinction de leur descendance masculine, pendant toute la durée de la société, c’est-à-dire un siècle. Les fonctions de directeur des travaux d’art devaient être aussi transmises, d’après les mêmes principes, dans la descendance masculine de M. de Montgolfer ; le budget de cette royauté en parties doubles prenait sa source dans un capital de 20 millions demandé au menu peuple des actionnaires. Mais y a-t-il, au XIXe siècle, un gouvernement sans opposition ? La charte des Mouzaïas ayant été attaquée, on lui substitua un acte de société dans la ferme ordinaire, qui réduisit le capital à 4 millions et les actions à 100 francs, en convenant toutefois que les titres d’actions, malgré la réduction apparente de leur chiffre, conserveraient en réalité leur valeur primitive de 500 francs. De là un procès regrettable. Il est bien à souhaiter que la compagnie des Mouzaïas ne compromette pas, par l’impatience de réaliser des primes, un avenir commercial qui petit devenir fort beau. Aujourd’hui l’entreprise est en voie d’exploitation très active. Trois cent cinquante-deux ouvriers réunis sur les lieux ont formé le noyau d’un village européen.