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été solennellement rendus. Le cabinet Salamanca, pour peu qu’on lui laisse de latitude, ne restera pas évidemment en si beau chemin. Déjà on a répandu beaucoup de bruits sur les intentions du nouveau ministère espagnol ; d’après certaines personnes, ces intentions n’iraient à rien moins qu’à proposer ultérieurement aux cortès le divorce de la reine et le changement de la loi de succession. Que ces éventualités aient été débattues à Madrid et ailleurs, nous en sommes parfaitement convaincus, M. Serrano et M. Bulwer nous en sont garans ; mais quelques efforts qu’on fasse pour aggraver la situation intérieure de l’Espagne, l’instant n’est pas heureusement venu encore de traiter officiellement ces questions, et, avant qu’on touche à ces grands problèmes, le cabinet Salamanca aura peut-être disparu, comme un intermède bouffon qui lasse bientôt le public et qu’on chasse de la scène. Les événemens reprendront alors un sens politique sérieux que nous avouons ne pouvoir leur trouver en ce moment, et nous ne doutons pas que l’Espagne, se consultant elle-même, ne voie clairement quel est son intérêt dans la crise où on l’a souvent jetée.

Les questions de politique étrangère doivent être traitées d’un point de vue supérieur aux passions et aux préjugés des partis. Là les plus grands intérêts du pays sont en jeu, et la presse politique ne peut mieux les servir qu’en portant dans ces questions, d’ordinaire compliquées et difficiles, la lumière des faits. Aussi nous attachons-nous toujours à exposer avec exactitude la situation des divers pays avec lesquels la France est en contact, en discussion. Comment asseoir un jugement sur l’attitude, sur le langage de notre diplomatie, à moins d’étudier l’état moral des peuples avec lesquels elle traite et la physionomie des partis qui se disputent le pouvoir ? Cependant ne voilà-t-il pas que, pour avoir, dans ces derniers temps, tracé un tableau historique et politique de deux pays qu’il nous importe assurément de bien connaître, l’Espagne et la Suisse, nous avons encouru le blâme d’un journal qui paraît croire que, dans des questions internationales, il n’y a rien de plus patriotique que de faire cause commune avec la presse étrangère ? C’est à Londres que cette feuille cherche des suffrages, et quand le Morninq-Chronicle, dont elle s’inspire, laisse échapper à son endroit un mot d’approbation et d’éloge, elle ne se sent pas d’aise ; elle cite le passage, elle s’en pare, et du haut de sa gloire méprise le reste du genre humain. Les écrivains qui parlent avec un dédain aussi superbe du style prétentieux de la Revue n’auraient-ils jamais eu la prétention de l’enrichir de leurs œuvres ? L’éclat littéraire qu’ils répandent autour d’eux est-il si grand, qu’il n’y ait plus, quand ils ont parlé, qu’à courber la tête ? Nous persisterons à penser, n’en déplaise à cette feuille, que, dans les problèmes épineux de la politique extérieure, les faits, les documens, sont préférables aux déclamations. L’article sur les affaires d’Espagne, qui a excité le mécontentement du journal que les satisfecit du Morninq-Chronicle rendent si heureux, n’est pas l’œuvre d’un homme d’état. Il a été simplement rédigé par un écrivain qui s’est donné la peine d’aller étudier les hommes et les choses, et qui, en parlant avec impartialité des partis politiques de l’Espagne, a montré pour son avenir constitutionnel une sérieuse sollicitude. Il y a, il est vrai, un homme d’état qui, à une autre époque, a consigné dans la Revue son jugement sur les affaires d’Espagne ; cet homme d’état, que sans doute on ne désavouera pas, combattait Espartero et la politique de lord Palmerston. Il s’élevait, il y a sept ans, avec la double autorité de son ta-