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Cette autorisation n’était-elle pas déjà une satisfaction véritable pour la chambre des pairs, qui devait naturellement montrer d’autant plus de modération, que la chambre des députés avait eu à son égard plus de déférence ? Du reste, on apportait à sa barre les protestations les plus explicites de dévouement et de respect. Aussi, devant ces protestations, la chambre des pairs s’est tenue pour satisfaite. Il parait même qu’au sein de la pairie plusieurs des membres de l’opposition qui avaient provoqué avec le plus de vivacité les poursuites ont opiné pour l’acquittement avec non moins d’ardeur, par une sorte de rétractation de leurs premiers sentimens. D’ailleurs, quand de politique une question devient judiciaire, quand il s’agit de prononcer une peine, il y a dans les esprits une disposition honorable qui les fait pencher vers l’indulgence.

Maintenant voici une face nouvelle de ce singulier débat. Dès que la pairie eut prononcé le renvoi des fins de la plainte, ce résultat devint l’objet de mille commentaires. Du côté de l’opposition, on prétendit que cet acquittement d’un prévenu retombait comme un blâme indirect sur le cabinet. Assurément la très grande majorité de la chambre des pairs ne s’était préoccupée, dans cette circonstance, d’aucunes considérations politiques. Elle n’avait eu qu’une pensée c’était de vider un pareil incident, non pas au point de vue de tel ou tel intérêt, mais avec toute l’impartialité de la justice. Toutefois, en dépit de ces intentions, la décision de la pairie eut des conséquences qui ne se firent pas attendre. Le cabinet, qui, lorsque l’affaire avait été déférée à la pairie, s’en était, pour ainsi dire, désintéressé, a vu les passions qui l’avaient déjà assailli reproduire leurs attaques avec une vivacité nouvelle. Il semblait qu’après les violences et les accusations qui avaient rempli, la séance du 17 juin, tout était épuisé ; la séance du 25 a prouvé le contraire.

Lorsque les représentans des partis extrêmes livrent au gouvernement d’impétueux assauts, les luttes qui s’engagent sont prévues, et, si vives qu’elles soient, elles ont quelque chose de normal ; mais, quand le pouvoir est assailli de cette façon par des hommes qui l’ont défendu long-temps, comment expliquer ces attaques ? Est-ce parce que le ministère n’a pas accueilli avec empressement la réforme électorale et la réforme parlementaire, qu’il a été, dans ces derniers jours, pris à partie avec tant de colère ? On l’a dit, on l’a imprimé, et cependant l’incrédulité publique a cherché d’autres causes à cette explosion. Admettons pourtant l’explication donnée. Nous comprenons fort bien que parmi les conservateurs quelques-uns eussent voulu dans le cabinet plus de résolution, plus d’initiative pour de sages réformes ; mais à ce point de vue quelle était la conduite à garder ? Il fallait, tout en continuant d’exciter le pouvoir à se montrer plus actif, plus entreprenant, ne pas cesser de l’appuyer en l’éclairant. Si l’on n’ignorait pas que certains obstacles avaient pu entraver de bonnes intentions, il fallait tenir compte des intentions et des obstacles, et montrer une patience non pas inerte, mais intelligente et féconde en utiles efforts. Ne disait-on pas dernièrement qu’on ne serait pas un homme politique, si on ne savait attendre ? Il nous coûte de le dire, mais cette parole n’équivaut-elle pas à un jugement prononcé sur soi-même ? On a su si peu attendre, que deux jours après l’acquittement prononcé par la cour des pairs on en perdait, en quelque sorte, tout le bénéfice moral par de nouveaux emportemens. Nous n’avons pas vu sans regret tomber dans une pareille faute un homme auquel on ne saurait refuser le