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les considérer même comme des monstruosités exceptionnelles de la nature : il faut nécessairement supposer ici une erreur de calcul et la mauvaise foi de leur acte de baptême. »


De nouvelles cortès arrivent, mais on reste plus que jamais dans le provisoire. Quel était bien au juste le quantième français de la révolution espagnole ? Fallait-il voir dans l’insurrection basque la Vendée de 1794 ou la Vendée de 1832 ? Quelle était la valeur intrinsèque de MM. Mendizabal et Isturitz ? Le déficit était-il réel ou factice ? Les cortès étaient-elles des cortès constituantes ou des cortès de révision ? Voilà en quels graves débats le temps s’écoule. Quant à réviser ou à constituer quoi que ce soit, quant à demander à MM. Mendizabal et Isturitz des actes, à combler le déficit, à pacifier la Vendée pyrénéenne, nul parmi ces théoriciens obstinés n’y songe. Les clubs impatientés se réorganisent ; les armées, mal payées, se révoltent ; le sol tremble déjà de ces commotions souterraines d’où va jaillir la scandaleuse insurrection de la Granja ; la fumée des bivouacs carlistes noircit l’horizon de Madrid, et, pendant que, de toutes parts, le fait les harcèle, les touche, les brûle, nos Grecs du bas-empire bayent placidement aux corneilles dans les brumes de l’analogie. « Tout ceci, pense notre pamphlétaire, finira un jour ou l’autre, et le monde aussi, s’il faut en croire les saintes Écritures, lesquelles ajoutent que Notre-Seigneur Jésus-Christ viendra juger les vivans et les morts. Des morts, je ne dis rien ; mais, vive Dieu ! si j’étais le juge, les vivans seraient déjà jugés ! »

L’émigration libérale venait en effet de dévoiler toute son impuissance. Les modérés ne manquaient pas de certaine volonté active, mais ils avaient agi d’après un plan absurde ; les exaltés, eux, n’avaient ni plan, ni volonté, ni action. Larra a donc le droit de croire qu’un peu de sang nouveau pourrait seul galvaniser ce vieux cadavre de 1812 :


« Assez d’essais comme cela. Ils nous répondent : Et où sont vos hommes nouveaux ? — Où pourraient-ils être ? Dans la rue où ils attendent que messieurs les anciens aient fini leur chassez-croisez pour entrer à leur tour au bal.

« Comment, ajoute-t-on, ces hommes ne se montrent-ils pas ? — Comment pourraient-ils se montrer ? De Calomarde jusqu’à nous, quel encouragement, quelle loi électorale leur a ouvert l’accès de la chose publique ? Que la loi se hâte pourtant de les appeler ; qu’on laisse entrer légalement les hommes de 1836, ou ils forceront la porte.

« En résumé, pour des circonstances nouvelles, des hommes nouveaux ; pour des temps agités, des hommes forts surtout, chez qui la vie ne soit pas lasse, chez qui il reste encore des illusions ; des hommes qui se paient de gloire et en qui brûle une noble ambition, une ardeur constante contre le danger.

« Que savent les jeunes gens ? s’écrie-t-on. — Ce que vous leur avez enseigné, et de plus ce que leur ont enseigné vos déceptions, et, de plus encore, ce que nous apprend chaque jour l’expérience. Et qu’étiez-vous en 1812 ! A la peur