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III.

Telle fut Sappho. Cette femme, en un mot, ne fut qu’amour : amour idéal ou amour sensuel ? de son temps on ne faisait pas ces distinctions. On ne savait encore d’autre psychologie que celle d’Homère, qui mêle et qui confond sans cesse, plus philosophiquement qu’on ne pense, l’estomac et le cœur, les sentimens et les appétits. Platon n’était pas venu encore isoler l’esprit dans la tête, le courage dans la poitrine, et reléguer les appétits dans le ventre, à peu près comme dans sa République il relègue au troisième rang le peuple ouvrier. Vers l’an 590 avant notre ère, on ne savait pas analyser tout cela, et dans la poésie non plus que dans la vie on ne subtilisait l’amour. Sappho aima donc à la manière des dieux homériques, mais sans pouvoir, comme Jupiter sur le mont Ida, s’envelopper au besoin d’un nuage d’or[1].

  1. Iliade, XIV. — Qu’on se rappelle aussi, entre mille autres passages, au IVe chant de l’Odyssée, les paroles adressées par Calypso à Mercure, qui vient de lui ordonner, de la part de Jupiter, de renoncer à Ulysse ; il n’est pas question là d’amour psychologique « Dieux méchans que vous êtes ! dit-elle, et jaloux par-dessus tous ! qui enviez aux déesses le plaisir de coucher ouvertement avec les hommes, lorsque l’une d’elles s’est fait un amant. » - Et encore l’entrée en matière de Mars avec vénus, Odyssée, VIII, 292.