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mais, ajoutait la chanson :

Mais le soir vermeil ressemble à l’aurore,
Et la nuit, plus tard, amène l’oubli !


Triste consolation, que de songer à ces soirs vermeils de la vie et à la nuit qui les suivra ! Nous arriverons bientôt à cette heure solennelle qui n’est plus le matin, qui n’est pas le soir, et rien au monde ne peut faire qu’il en soit autrement. Quel remède y trouveras-tu ?

J’en vois un pour moi : c’est de continuer à vivre sur ce rivage d’Asie où le sort m’a jeté ; il me semble, depuis peu de mois, que j’ai remonté le cercle de mes jours ; je me sens plus jeune en effet, je le suis, je n’ai que vingt ans !

J’ignore pourquoi en Europe on vieillit si vite ; nos plus belles années se passent au collége, loin de la vie réelle, loin du monde agissant, loin des femmes, — et à peine avons-nous eu le temps d’endosser la robe virile, que déjà nous ne sommes plus des jeunes gens. « La vierge des premières amours » nous accueille d’un ris moqueur, — les belles dames plus usagées rêvent auprès de nous peut-être les vagues soupirs de Chérubin !

C’est un préjugé, n’en doutons pas, et surtout en Europe, où les Chérubins sont si rares. Je ne connais rien de plus gauche, de plus mal fait, de moins gracieux en un mot qu’un Européen de seize ans. Nous reprochons aux très jeunes filles leurs mains rouges, leurs épaules maigres, leurs gestes anguleux, leur voix criarde ; mais que dira-t-on de l’éphèbe aux contours chétifs qui fait chez nous le désespoir des conseils de révision ? Plus tard seulement les membres se modèlent, le galbe se prononce, les muscles et les chairs se jouent avec puissance sur l’appareil osseux de la jeunesse ; l’homme est formé.

En Orient, les enfans sont moins jolis peut-être que chez nous ; ceux des riches sont bouffis, ceux des pauvres sont maigres avec un ventre énorme, — en Égypte surtout ; mais généralement le second âge est beau dans les deux sexes. Les jeunes hommes ont l’air de femmes, et ceux qu’on voit vêtus de longs habits se distinguent à peine de leurs mères et de leurs sœurs ; mais par cela même l’homme n’est séduisant en réalité que quand les années lui ont donné une apparence plus mâle, un caractère de physionomie plus marqué. Un amoureux imberbe n’est point le fait des belles dames de l’Orient, de sorte qu’il y a une foule de chances, pour celui à qui les ans font une barbe majestueuse et bien fournie, d’être le point de mire de tous les yeux ardens qui luisent à travers les trous du yamack, ou dont le voile de gaze blanche estompe à peine la noirceur.

Et, songes-y bien, après cette époque où les joues se revêtent d’une épaisse toison, il en arrive une autre où l’embonpoint, faisant le corps