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tutionnelles n’inspire d’alarmes à personne. Combien de temps la réforme n’y a-t-elle pas été demandée par voie de pétitions, dans des banquets, dans des meetings, avant d’arriver à un triomphe officiel ! Parmi nous, la question vient de naître. Elle est si nouvelle, que les divers partis qui la prennent pour drapeau ne peuvent s’entendre encore sur les changemens à introduire. Que de débats dans l’avenir avant d’arriver à une solution acceptée par la grande majorité du pays ! Dans l’opposition, les hommes les plus sincères en conviennent, surtout quand ils songent à leurs collèges électoraux.

D’ailleurs, ces manifestations publiques, ces réunions constitutionnelles, où les partis et les hommes politiques proclament leurs vues et leurs principes, qui empêche le parti conservateur d’y avoir recours ? La majorité s’est sentie ébranlée, les chambres se sont séparées avec la conviction intime que la session n’avait pas donné tous les résultats qu’elle devait produire. Sur cette situation, sur les causes qui l’ont amenée, sur les efforts nouveaux qu’elle rend nécessaires pour l’avenir, les représentans de l’opinion conservatrice n’ont-ils rien à dire au corps électoral ? Il nous semble que les hommes qui ont donné les meilleurs gages à la cause de l’ordre ont vraiment qualité pour adresser à leurs électeurs, à leurs concitoyens, de sages paroles qui seront utiles à tous. Cette franchise de langage et d’allure fortifierait le pouvoir dans sa louable résolution de ressaisir avec plus d’énergie le gouvernail, de préparer, pour la session prochaine, les projets et les mesures qui doivent la distinguer heureusement de celle qui rient de finir.

En Angleterre, les élections sont terminées. D’ici peut-être à long-temps encore l’opinion ne pourra guère formuler que des commentaires et des conjectures sur le rôle possible, sur le caractère réel de la législature qui commence. Jamais, de l’autre côté du détroit, il ne fut si difficile de représenter par des chiffres la consistance et la force des partis, parce que les chiffres eux-mêmes n’ont point, pour ainsi dire, d’unité commune à laquelle ils se rapportent, et qui leur donne une valeur connue.

Le vieux temps n’est plus où il s’agissait seulement, pour organiser le plan de campagne d’une session parlementaire, de compter sur les doigts combien l’on avait de whigs et combien de tories : deux camps et deux drapeaux ; point d’auxiliaires indisciplinés, point d’aventuriers compromettans, point de neutres. C’était alors l’époque des grandes luttes politiques ; on pensait plus à la réforme de l’état qu’à celle de la société, et les intérêts aux prises se rencontraient plus directement sur un champ mieux circonscrit. Une fois au contraire les questions sociales introduites dans l’arène avec toute la complexité qu’elles doivent au mouvement si multiple de la vie moderne, une fois l’antique constitution du pays ébranlée non plus à propos du système électoral, mais à l’occasion de tous les problèmes administratifs et commerciaux, de toutes les difficultés morales et religieuses, qu’est-il arrivé ? Les désignations primitives des partis ont d’abord disparu, parce qu’elles n’en représentaient plus les fonctions nouvelles. Les tories ont fini par s’appeler des conservateurs, à mesure qu’ils cédaient davantage au progrès et conservaient moins du passé ; puis ces conservateurs sont devenus bon gré malgré les instrumens de révolutions immédiates et radicales entre les mains d’un chef absolu. Celui-ci les a tellement absorbés en lui-même, avec son intelligence flexible et son inflexible volonté, qu’il les a dépouillés de toute si-