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Une révolution ne saurait donc s’y prolonger, car, aussitôt que deux partis opposés sont en campagne, ils se rencontrent nécessairement, et le manque de places fortes empêche qu’un parti vaincu puisse reprendre haleine et se reconstituer. Une bataille est presque toujours décisive au Chili.

L’histoire même des années les plus agitées qu’ait traversées la république confirme ce que nous disons du peu de chances qu’a la guerre civile de s’y établir en permanence, comme sur d’autres points de l’Amérique du Sud. En suivant les principaux événemens qui ont marqué les annales du Chili depuis 1814, on voit une première tentative d’insurrection échouer dans une rencontre décisive à Rancagua, le 1er octobre 1814. Deux ans plus tard, en 1817, il suffit de deux batailles pour amener l’indépendance du pays. San-Martin bat les Espagnols une première fois à Chacabuco, le 12 février 1817. Ceux-ci n’avaient pas concentré toutes leurs forces sur un seul point : un corps de réserve, grossi de quelques fuyards et de troupes fraîches venues du Pérou, bat les patriotes à Cancharayadas ; mais, vingt jours après, la victoire éclatante de Maypo efface le souvenir de cet échec. Cette fois décidément expire le pouvoir de l’Espagne au Chili. On le voit, rien de plus rapide, de moins compliqué que les guerres de la métropole et de sa colonie. Quelques rencontres amènent ces drames militaires tout près du dénoûment. Il n’y a point de place au Chili pour les luttes prolongées, si favorables aux intrigues des chefs d’armée, et l’intervention des généraux dans les affaires du pays, au lieu d’aboutir, comme en d’autres états, à une dictature, a favorisé au contraire le développement régulier des institutions républicaines.

Comme dans toutes les jeunes républiques méridionales, le pouvoir fut, durant les premières années de l’émancipation, entre les mains des soldats heureux. San-Martin, O. Higgins et Freire passèrent tour à tour à la présidence. Les tendances libérales du pays ne se manifestaient encore que par une sourde agitation. Le général Pinto devint président de la république ; il avait voyagé en Europe et devait à son esprit distingué, à ses connaissances étendues bien plus qu’à ses faits d’armes, la haute considération dont il jouissait. La première période de son gouvernement présidentiel s’écoula sans trop de peine. Il fut réélu, mais sa réélection manqua de certaines formes. Les mécontens s’agitèrent. Bientôt les partisans d’une liberté pour laquelle le pays n’était point encore assez mûr circonvinrent le général Pinto. Il mit au jour, en 1828, une constitution ultra-libérale, et osa toucher aux biens de l’église. Un fort parti d’opposans s’organisa, et la révolution de 1829 éclata à Conception. Le Chili fut alors divisé en deux camps : l’un représentait les idées ultra-libérales, l’autre les idées réactionnaires. Ce dernier parti, qui avait pour chef le général Prieto, comptait dans ses rangs un citoyen