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tive et les pertes nécessaires à l’accroissement des végétaux. Pour l’atteindre, il ne faut pas qu’il procède d’une manière aveugle. Comme toutes les choses qu’il est donné à l’intelligence humaine de découvrir et de perfectionner par l’analyse, les progrès de l’agriculture doivent être la réalisation d’une idée, l’application d’une loi scientifique. Or, la chimie organique, dont l’étendue est tous les jours reculée par de nouvelles découvertes, la chimie organique, grace aux travaux de MM. Payen, Boussingault, Dumas, Liebig et tant d’autres savans illustres, a donné le secret de la pratique qui promet aux peuples la fertilité de leurs terres.

Cependant à côté de la théorie devait être placée la sanction de l’expérience, ce juge souverain qui arrête les élans de l’imagination et en démontre les écarts. Les tentatives qui ont été faites en Angleterre, celles qui sont journellement répétées dans nos départemens du nord, ont maintenant effacé tous les doutes et tranché la question si utile et si controversée de certains engrais employés comme moyens de fertilisation du sol.

On donne en chimie le nom d’engrais à toute substance solide, liquide ou aériforme, que les plantes peuvent s’assimiler pendant l’acte de la végétation. Elles tirent de l’atmosphère certains des principes dont la nature se sert pour les développer ; en un mot, elles respirent comme les animaux, elles absorbent comme eux des gaz, et secrètent comme eux des humeurs. L’homme ne peut modifier la composition de l’atmosphère ; c’est donc dans le sol qu’il doit verser les élémens destinés à la nutrition des plantes. Quand les parties vertes d’un végétal sont frappées par les rayons solaires, elles s’emparent du carbone contenu dans l’acide carbonique de l’air que nous respirons ; l’azote vient aussi en partie au végétal de la même source. L’eau, et quelques composés chimiques désignés sous le nom d’oxides, des sels, tels que des phosphates, des carbonates, des silicates, des sulfates, etc., lui sont fournis par la terre où il est implanté. Le problème de la fertilisation du sol consistait donc à trouver des encrais composés des substances qui constituent l’aliment des plantes. C’est d’après ces principes que M. Liebig a cru que l’on pouvait obtenir de belles récoltes en jetant sur les terres la cendre des végétaux. La plante qui s’étiole est comme la jeune fille chlorotique dont le teint se décolore et se flétrit. Le sang de la malade est, on le sait, très appauvri, et la quantité de fer qui devrait y être dans l’état normal est considérablement diminuée. Mais qu’on introduise dans cette organisation qui languit le métal qui manque, que les organes en reçoivent l’influence bienfaisante, et bientôt la fraîcheur et tous les attributs de la santé reparaîtront. Ainsi, d’après le savant chimiste de Giessen, les engrais minéraux donnent à la plante les sels métalliques au moyen desquels la végétation devient luxuriante et les récoltes très riches.

Quelques agronomes ont essayé en Angleterre de fertiliser le sol en le couvrant de substances minérales ; mais les pluies ont entraîné ceux des sels qui étaient solubles, et l’insuccès n’a été que trop certain. En vain ont-ils voulu les retenir en faisant calciner les cendres avec d’autres corps, de la craie par exemple : les composts (c’est ainsi qu’on désigne ces engrais), ayant été semés sur les terres, n’en ont pas moins laissé s’écouler encore les substances salines qu’une gangue artificielle ne pouvait abriter de l’action dissolvante des eaux.