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souvent qu’entre l’Angleterre et la France les situations diffèrent, et rien n’est malheureusement plus vrai. Elles diffèrent en cela du moins, que, même avant l’exécution des plans de sir Robert Peel, bien des choses avaient été faites en Angleterre, bien des réformes tentées avec succès, depuis le ministère de M. Huskisson jusqu’au ministère de lord Melbourne ; que ces améliorations successives, toujours fécondes, quoique partielles, avaient déjà porté bien haut et la puissance industrielle, et les ressources financières, et la richesse finale du pays, tandis qu’en France tout est à faire. Dans cette carrière féconde où d’autres sont près d’atteindre le terme, nous sommes encore, hélas ! à nos débuts. En cet état, nous avons tout à la fois un grand effort à faire pour regagner le temps perdu, et de meilleures espérances à concevoir pour l’avenir. A une époque où les recettes de la douane anglaise s’élevaient déjà à plus de 500 millions de francs, chiffre qui nous paraîtrait, à nous, fabuleux, il a pu suffire à M. Mac Grégor d’offrir à son pays la perspective d’un accroissement d’un cinquième. Plus tard, il a pu suffire même à sir Robert Peel de ne réaliser qu’une partie de cette promesse, alors qu’il eût été facile de la réaliser tout entière ; mais la France peut et doit aspirer à un accroissement proportionnellement plus fort, par cela même qu’il lui reste plus à conquérir.

Ce que notre pays peut demander, sans exagérer ses prétentions, c’est que les recettes de sa douane soient pour le moins doublées en quatre ans. Tel est le résultat auquel nous tendons, et qu’il nous paraît facile d’obtenir. Le revenu qui dérive de la douane est tellement comprimé en France par l’exagération des faux principes que le système protecteur traîne après lui ; on a tellement resserré, tellement amoindri les sources principales d’où ce revenu découle, qu’il suffira de détendre les liens du système pour que ces mêmes sources jaillissent abondamment.

Il va sans dire que, si nous aspirons à augmenter en cela le revenu public, ce n’est pas dans un désir platonique de voir se remplir sans but les coffres de l’état, ou de mettre le gouvernement en mesure de grossir sans raison les dépenses. C’est afin de préparer l’accomplissement de tant de mesures utiles, toujours ajournées, à tort ou à raison, sous le prétexte des besoins présens de l’état. La révision des tarifs, c’est le commencement et la préparation nécessaire d’une longue série de réformes ; c’est le levier à l’aide duquel une main habile pourra remuer, pour le soumettre à un remaniement indispensable, tout notre système d’impôts. Et ce qui doit encourager encore les pouvoirs publics dans l’accomplissement de cette œuvre, c’est qu’en ceci, par une exception singulièrement heureuse, l’intérêt de l’industrie ou du travail se concilie admirablement avec l’accroissement des recettes publiques.