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chose nuit aujourd’hui à notre industrie des soieries, ce n’est assurément pas cette importation chétive ; c’est l’état stationnaire de l’exportation, qui demeure à peu près invariable, malgré l’accroissement continu et si rapide de la consommation dans le monde entier. Que cette industrie soit mise en mesure, par l’abaissement. du prix de ses matières premières, soies brutes, métaux, matières tinctoriales, huiles, machines, etc., d’étendre ses envois au dehors, ce qui ne manquerait pas d’arriver, et la concurrence étrangère, loin de lui porter aucun dommage, ne fera que lui donner un plus rapide essor.

Pour les articles en lin ou en chanvre, l’importation est plus forte. C’est, quant aux tissus, 17 millions de fr. en 1846, et, pour la moyenne des cinq années antérieures, 20 millions ; — quant aux fils, 17,300,000 fr. en 1846, et, pour la moyenne des cinq années, 35,300,000 francs[1]. Eh bien ! malgré l’importance relative de cette importation, est-ce encore là ce qui gêne les fabricans français ? Quelques-uns peut-être le disent par habitude, mais les plus attentifs savent le contraire et le proclament hautement. Leur industrie souffre, il est vrai, mais ce n’est pas l’importation étrangère qui en est cause ; ils s’en préoccupent à peine aujourd’hui. Ce qui les gêne, c’est le défaut de consommation ; c’est la concurrence intérieure, qui, bien que restreinte encore, est déjà trop grande en raison du débouché ; c’est enfin la décroissance continue de la consommation des toiles et le défaut presque absolu de la vente des fils à l’étranger. Donnez à cette industrie comme à l’autre ses matières premières à bon marché, le lin et le chanvre, soit teillés, soit peignés, la houille, la fonte, le fer, l’acier, le bois, l’huile et le reste, et vous la verrez bientôt prendre une activité nouvelle, tant par l’augmentation de la consommation au dedans que par l’ouverture de nouveaux débouchés au dehors, sans que l’importation étrangère, dût-elle s’accroître encore, fasse le moindre obstacle à ses progrès.

Si les industries de la soie et du lin souffrent si peu, sous l’empire de tarifs modérés, de la concurrence étrangère, pourquoi les industries du coton et de la laine en souffriraient-elles davantage ? Les situations sont différentes, dira-t-on : oh ! oui, elles sont différentes, mais ce n’est pas comme on voudrait l’entendre. C’est plutôt en ce sens que les deux industries actuellement protégées par des prohibitions absolues pourraient supporter la concurrence étrangère beaucoup mieux que les deux autres, beaucoup mieux surtout que l’industrie du lin.

La manufacture du lin et du chanvre, au moins celle qui fait usage des machines, est, de toutes les branches de notre industrie, la plus nouvelle, et, par conséquent, celle qui a pu et dû faire le moins de

  1. Nous ne parlons pas de l’importation de 1847, qui a été encore inférieure à celle de 1846, mais qu’on peut considérer comme exceptionnelle, à cause de la crise des subsistances qui e affecté toutes les consommations.