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les manufactures nationales verraient empirer leur position ? C’est le contraire qui se réaliserait sans aucun doute. Les fabricans sont trop portés à croire que tout ce qui entre de produits étrangers dans le pays vient diminuer d’autant leurs ventes. Ils ne comptent pas assez sur l’accroissement de la consommation au dedans, et sur l’extension des débouchés au dehors, conséquences nécessaires de l’abaissement des prix. Encore s’il s’agissait seulement de les exposer à la concurrence.étrangère sans diminuer d’un autre côté leurs charges, on comprendrait à certains égards leurs craintes, bien qu’elles fussent exagérées même dans ce cas ; mais, quand on considère qu’une des premières conditions de la réforme du tarif est et doit être le dégrèvement des droits sur les matières premières qu’ils emploient, certes, il est permis de dire qu’ils auraient tout à gagner au changement. L’admission même des produits étrangers serait alors pour eux un avantage plutôt qu’un obstacle, parce qu’outre les lumières et les connaissances nouvelles qu’elle leur apporterait par la comparaison incessante des produits, elle tendrait à introduire plus rapidement dans leurs opérations cette spécialité, qui est une des conditions nécessaires de l’économie dans le travail et de la perfection des produits. Eh ! ne l’a-t-on pas vu en Angleterre, en 1826, pour l’industrie des soieries, qui a dû à l’influence de cette double cause une vie nouvelle ? Loin d’admettre dans ce cas la possibilité d’une décroissance de notre industrie nationale, nous compterions d’une manière certaine sur un notable accroissement.


II

L’admission des produits fabriqués, moyennant la levée des prohibitions actuelles ou la conversion des droits prohibitifs en droits modérés, offre donc aujourd’hui au trésor public une source de revenus où il peut puiser, dans une certaine mesure, sans crainte et sans scrupule. Nul intérêt n’en souffrira. Cette source de revenus serait d’ailleurs actuellement assez féconde, ainsi qu’on a pu en juger par deux exemples. Elle suffirait amplement pour compenser, durant la période de transition, les sacrifices que l’état pourrait et devrait s’imposer par rapport aux produits naturels. Il ne faudrait Pourtant pas compter sur ce premier résultat comme sur un fait durable. Aux droits de 25 pour 100, les cotonnades et les lainages, fils et tissus, entreraient aujourd’hui en quantités assez notables dans le pays ; mais cette importation tendrait à décroître d’année en année, et, si l’on voulait la raviver de manière à la maintenir à peu près à son premier niveau, il faudrait se résoudre à un abaissement graduel des droits, en sorte que, de toutes les façons, le revenu diminuerait. On conçoit, en effet, que nos fabricans ou manufacturiers, excités par la concurrence étrangère et bientôt aguerris