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tout ce qui n’est pas naturel. On pourrait, sans inconvénient, les supprimer pour reporter ailleurs une partie de la dépense : ils figuraient au budget de 1849 pour 1 million et demi. En revanche, on ne portait qu’un million pour les auxiliaires irréguliers, tels que le mahkzen, les khiélas et les askars, et 600,000 francs pour les chefs indigènes ; ce sont ces deux derniers crédits que je voudrais voir accroître. Avec 2 ou 3 millions de plus, on pourrait tripler le makhzen, qui est aujourd’hui de moins de 3,000 hommes, augmenter dans une même proportion les khiélas et les askars, et fournir aux chefs indigènes nommés par nous le moyen de s’attacher plus fortement leurs goums. L’organisation arabe serait alors parfaite, et nous aurions étouffé les insurrections dans leur principe.

Il y a en effet, dans la société arabe, telle qu’elle est constituée, un certain nombre d’hommes, semblables aux hommes d’armes du moyen-âge, qui n’ont d’autre moyen d’existence que la vie militaire. Ces hommes, qui sont peut-être maintenant au nombre de 25,000 pour toute l’Afrique, car la guerre en a fait périr beaucoup, il faut les avoir pour soi ou contre soi, les solder ou les combattre. Le plus économique est de les solder, ils ne sont pas bien exigeans. Avec 15 francs par mois, on satisfait parfaitement un cavalier arabe ; pour 1,800,000 francs par an, on peut en solder 10,000. Dès que ce phénomène inoui pour eux d’une solde régulière, exactement payée tous les mois, se réalise, on peut compter sur leur dévouement absolu. La fidélité de ceux que nous avons employés jusqu’ici ne s’est jamais démentie dans les guerres les plus acharnées. En temps de paix, ce sont d’excellens gendarmes, toujours prêts à monter à cheval ; en temps de guerre, ce sont des auxiliaires ardens, les premiers à tomber sur leurs frères pour avoir une plus grosse part de butin.

En même temps, il faut que les chefs arabes aient de quoi faire grande figure sans accabler d’exactions leurs administrés. Pour que les indigènes s’attachent sérieusement à nous, il importe que toutes les exactions soient réprimées ; mais ce ne doit pas être aux dépens des chefs. Un grand seigneur arabe a de grandes charges ; il est obligé de vivre avec une opulence toute barbare ; il doit sans cesse loger et héberger ses nombreux cliens. En les aidant, en les provoquant à développer dans leurs tribus l’agriculture et le commerce, nous augmenterons leurs revenus, par suite leurs dépenses ; il n’est pas mal d’y joindre de gros traitemens, qui nous assurent encore davantage leur concours. Encore un coup, tout cela ne peut pas être bien cher, car ils ne sont pas nombreux ; avec quatre ou cinq millions par an, on peut suffire largement à toutes les dépenses arabes, chefs et soldats, et assurer partout la paix et la police.

J’arrive à la conclusion que tout ce qui précède a dû faire pressentir :