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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/641

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d’en consulter un seul que d’écouter les avis des trois mille exposans au Salon de cette année.

Les artistes demandent à la république plus qu’elle ne peut et plus qu’elle ne doit leur donner. Ces prétentions sont naturelles après une révolution comme la nôtre. Revenu de son étonnement, chacun s’imagine d’abord que la révolution s’est faite pour lui. Si, comme je l’espère, elle s’est faite pour le bien général, il faudra lui pardonner quelques malheurs particuliers. Une monarchie accorde des faveurs, une république n’en donne point. Sa première vertu est la justice. Elle honore le talent ; la médiocrité n’a rien à prétendre d’elle.

Sans doute, dans un pays comme le nôtre, les arts méritent la sollicitude constante du gouvernement. Ils sont une des gloires de la France, et c’est par les beaux-arts surtout que notre industrie occupe une place dans les marchés de l’Europe ; mais, comme je le disais tout à l’heure, il est essentiel de ne pas confondre les arts avec les artistes. Aux premiers le gouvernement doit des encouragemens ; aux seconds il ne doit que la protection qu’il accorde à tous les citoyens dans l’exercice de leur industrie.

Quelques mots d’explication sont ici nécessaires. J’entends par encouragemens aux arts les mesures qui peuvent en rendre l’étude accessible à tous ceux qu’anime un noble instinct. Faciliter l’éducation des artistes est donc la mission d’un gouvernement national ; mais il arrive un temps où cette éducation est faite, et alors l’artiste doit se soutenir par ses ouvrages. Je sais que beaucoup d’entre eux, avertis par la pauvreté de l’inutilité de leurs efforts, maudiront cette éducation qu’on leur a donnée. Pourquoi vouloir être artistes ? Aviez-vous reçu du ciel l’influence secrète ? N’en est-il pas de même dans toutes les professions ? Combien de sous-lieutenans accusent le sort de ne les avoir pas faits maréchaux de France ! Gagnez des batailles, leur dira-t-on. Faites des chefs-d’œuvre ou dessinez des indiennes, dirons-nous à ceux qui à tort ou à raison se prétendent artistes.

Je me hâte d’aller au-devant d’une objection.

Il y a dans les arts du dessin deux routes également suivies qui mènent toutes deux à la gloire et même à la fortune. Les uns s’attachent à ce que l’art a de plus sublime et de plus difficile, les autres à ce qu’il a de séduisant et de propre à concilier les suffrages de la foule. S’il s’agit de peinture, on appelle les premiers peintres d’histoire, les seconds peintres de genre ou de portraits. Je n’essaierai pas de traiter ici une question souvent débattue, celle de savoir quel rang il convient d’assigner au genre ; je remarque seulement que dans un pays où les fortunes sont médiocres, dans une capitale où peu de maisons sont assez vastes pour contenir des statues ou des tableaux de grandes dimensions, la peinture et la sculpture historiques, qu’on me passe ce