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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/651

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Grèce une tournée en France de quelques mois, consacrée à l’étude des monumens du moyen-âge.

Je résumerai en peu de mots mes propositions, qu’en toute humilité je soumets à l’administration. Je demande :

1° Qu’un jury soit adjoint à l’Académie des Beaux-Arts pour les jugemens préparatoires des esquisses, études, etc. (Il pourrait être nommé par le ministre et par les concurrens eux-mêmes) ;

2° Que les concours pour les grands prix n’aient lieu que tous les deux ans ;

3° Qu’on ne s’y puisse présenter après vingt-cinq ans,

4° Que le grand prix de paysage soit supprimé ;

5° Que la pension des lauréats soit augmentée ;

6° Qu’une pension suffisante leur soit continuée à leur retour en France pendant une année ;

7° Que les architectes pensionnaires passent quatre années en Italie, un an en Grèce, et fassent une tournée en France ;

8° Que les graveurs pensionnaires ne passent en Italie que les trois dernières années de leur pension ;

9° Qu’un cours spécial d’architecture du moyen-âge soit établi à l’Académie des Beaux-Arts, et qu’en attendant le vestiaire que je sollicite, une bibliothèque spéciale soit jointe à cet établissement.

Encore un mot sur le système d’encouragemens qui me semble le plus utile. Le dernier gouvernement, à mon avis, en avait un détestable ; c’était de commander des ouvrages d’art, en général fort mal payés, souvent des copies de tableaux anciens et même de modernes. Qu’arrivait-il ? La commande était exécutée à la hâte, presque toujours assez mal ; l’artiste, en l’exécutant, n’apprenait rien, ne gagnait presque rien, et l’administration se trouvait en possession d’un mauvais ouvrage dont il lui fallait disposer. On l’envoyait dans une province, où il enseignait cette vérité déplorable, qu’avec un peu de protection nul, si méchant artiste qu’il fût, ne devait désespérer de vivre aux dépens du budget.

Tel ne peut être le système que suivra le gouvernement de la république. Aux artistes d’un mérite reconnu, il faut confier le soin de décorer nos monumens ; mais point de commandes : il est rare qu’un artiste rende avec bonheur des idées qui ne sont pas les siennes. Rien de mieux, après les expositions, que d’acheter des ouvrages qui ont obtenu le suffrage du public. Aux jeunes gens qui montrent des dispositions, qu’on donne des allocations qui leur permettent de se livrer à des études sérieuses, mais ne leur demandez encore aucune de leurs productions. Pour mériter le secours que vous leur accorderez, il suffira qu’ils travaillent à perfectionner leur éducation.


PROSPER MÉRIMÉE.