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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/689

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— Le coquin est allé chercher du renfort, dit le pilote à voix basse.

— Et des mules de charge sans doute aussi pour emporter le butin, reprit un des riverains.

Dans le cavalier qui s’était détaché en avant, je reconnus parfaitement l’homme dont les allures suspectes m’avaient inquiété dans le trajet de Vera-Cruz à Boca-del-Rio. Étonné sans doute de trouver la plage aussi déserte après l’avoir laissée si bruyante, cet homme, toujours enveloppé dans sa large bayeta bleue, continua de reconnaître silencieusement les lieux, et s’avança près des mangliers. Après quelques secondes d’examen attentif, il alla rejoindre ses camarades. On distinguait déjà quelques-uns des débris de la goëlette que le flot portait vers la plage. C’était un indice certain que des épaves plus précieuses ne se feraient pas long-temps attendre. Alors les maraudeurs ne purent plus contenir leur impatience. Ils vinrent se poster un à un le long de la grève de façon à ce que rien ne leur échappât. L’homme au caban bleu, qui paraissait être le chef de ces misérables, avait poussé son cheval jusque dans les flots pour mieux surveiller l’arrivée des épaves.

— Quelqu’un de vous a-t-il une carabine à me prêter ? nous demanda le pilote.

Un des assistans lui tendit son mousquet ; Ventura le saisit. En ce moment, la silhouette sombre du chef des maraudeurs et de son cheval, se détachant comme un bloc équestre sur la blancheur des flots, présentait un admirable point de mire. Le coup partit, et nous vîmes le cavalier s’affaisser, puis disparaître au milieu des flots. Les autres bandits prirent aussitôt la fuite sans attendre une seconde explosion. Un moment après, un homme sortit de l’eau et s’élança sur la grève : c’était le chef des maraudeurs ; la balle que lui avait destinée Ventura n’avait frappé que son cheval. Le pilote courut à sa rencontre pour lui barrer le chemin. Une lutte s’engagea dans les ténèbres. Au moment où nous arrivions pour séparer les combattans, elle était déjà terminée. Le pilote venait d’être terrassé par le maraudeur, dont le poignard avait heureusement glissé sur ses vêtemens. Il n’était plus possible de rejoindre ce misérable, qui s’était enfui à toutes jambes après avoir cru tuer son adversaire d’un coup de stylet. Ventura se releva péniblement.

— Je n’ai pu l’atteindre, nous dit-il en se tâtant le corps, mais c’est égal, j’ai reconnu ce drôle de Campos ! Décidément je ne suis pas blessé, et c’est un miracle que le coquin ne m’ait pas cloué sur le sable avec son couteau. Je ne sais, par exemple, à qui appartient le cheval dont il s’est emparé sans façon pour s’enfuir plus vite.

— Ne m’avez-vous pas dit que cet homme se nommait Campos ? s’écria aussitôt Calros en serrant la main du pilote, Tereso Campos ?

— Oui, Tereso Campos.

— C’est celui que je cherche, continua le Jarocho me serrant la main.