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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/750

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Fontevrault, notre prison-modèle, et moins que dans nos régimens. Nous avons également donné, quant aux récidives, les chiffres des deux systèmes, et annoncé que l’on comptait en France 30 récidivistes sur 100, tandis qu’à Philadelphie on évaluait leur nombre à 4 pour 100 seulement.

Si j’ai cité de préférence les pénitenciers d’Amérique, c’est que les derniers bulletins officiels des prisons de France où l’on a inauguré, à titre d’essai, le système cellulaire, n’ont pas été publiés, que je sache, et je ne voudrais pas hasarder, sur des données officieuses, des chiffres qui pourraient être contestés. A Bordeaux, à Tours, à Versailles, le résultat de la cellule est infailliblement le même qu’en Amérique, du moins à très peu près ; mais il serait fort à désirer que les directeurs de ces différens pénitenciers fissent publier et répandre chaque année le bulletin de leurs établissemens. Je me permets, pour mon compte, de leur adresser cette demande.

L’essai du système de séparation a été fait avec plus de suite et sur une plus grande échelle à Paris, et c’est le moment de parler de la Roquette. Ici les documens ne nous manqueront pas.

Le pénitencier de la Roquette, à dater de 1838, a été peu à peu transformé et organisé suivant le système cellulaire par l’ancien préfet de police, M. Gabriel Delessert ; on ne saurait trop le répéter, ceux qui sont allés chercher dans cette prison des argumens contre le système américain se sont trompés ; ils ont mal choisi leur point de comparaison. La Roquette est, en effet, un pénitencier tout-à-fait spécial ; il ne renferme absolument que des enfans, rejetons, la plupart, de la plus vile partie de la population de Paris, presque tous scrofuleux, épuisés avant l’âge par la débauche, et ayant à traverser la dangereuse période qui sépare l’enfance de l’adolescence. En outre, le plan même du pénitencier, qui n’avait pas été construit pour le système cellulaire, et son exposition ont offert aux plus ingénieuses améliorations de ses transformateurs des obstacles sans nombre. Pendant les premières années, les enfans ont souffert du manque d’exercice, qu’il était impossible de leur laisser prendre, faute d’espace. Pour parvenir à créer des cours suffisamment spacieuses, il a fallu lutter avec une persévérance inépuisable.

Eh bien ! que s’est-il passé dans cette prison ? Dès 1838, après quinze mois d’essais timides, le préfet de police annonçait dans un rapport au ministre de l’intérieur ce résultat : « Avant la réforme introduite, et lorsque les enfans étaient abandonnés à tous les dangers de la vie commune, les récidives étaient dans les proportions de trente sur cent trente. Depuis quinze mois que la séquestration est complète, il n’y a eu que sept récidives sur deux cent trente-neuf enfans qui, dans ce laps de temps, ont été incarcérés sur la demande des familles. » Il ajoutait qu’une maladie épidémique ayant, dans le courant de l’année, frappé