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première partie de son rôle. Il était un des combattans de 1813, il avait chanté le soulèvement de l’Allemagne, et on lui savait gré d’avoir désiré une place dans ce groupe généreux où brillent les noms d’Arndt et de Rückert, de Théodore Koerner et de Max Schenkendorf. Le teutonisme se confondait alors dans les meilleurs esprits avec les idées libérales, et cette confusion explique bien des méprises qui seraient aujourd’hui sans excuse. C’était aussi le teutonisme qui mettait à ressusciter les traditions de l’Allemagne un empressement beaucoup trop passionné pour être toujours clairvoyant. Comme on avait senti durement les misères de la patrie divisée, et comme l’unité n’apparaissait encore que dans un éloignement bien obscur, c’était au passé qu’on la demandait. Cet idéal de l’Allemagne forte et puissante sous une loi commune, le présent ne pouvait le réaliser ; en attendant les miracles de l’avenir, il fallut chercher cette grande image dans le trésor des temps évanouis. Il y eut un instant où des milliers d’ames se réfugièrent, avec un entraînement aveugle, dans la foi du saint-empire. Plutôt que de ne pas jouir de cette unité imaginaire, les esprits s’en allaient à reculons dans le fond le plus ténébreux des vieux siècles, et ne s’arrêtaient qu’à Arminius. Arminius et Totila, Othon et Frédéric Barberousse, tels furent pendant quelques années les héros d’un pays qui avait signalé son action dans les temps modernes par Luther et Frédéric-le-Grand. Quelle que fût d’ailleurs la différence de leurs convictions, si éloignés qu’ils fussent les uns des autres en religion et en politique, tous ces esprits en quête de l’unité ne se sentaient pas mal à l’aise sous cette étrange bannière. Protestans et catholiques, libéraux et réactionnaires, peuples et rois, toute l’Allemagne enfin retournait au moyen-âge. Les arts se rendirent complices de cette incroyable confusion de toutes les idées, et la poésie, l’érudition, la philosophie elle-même, en portèrent l’empreinte. Ainsi ; ce mouvement national de 1813, qui aurait pu servir si énergiquement la liberté allemande, contenait tous les élémens d’une réaction illibérale et fournissait aux ennemis de la révolution des ressources inespérées. Il ne faut pas attribuer au roi de Bavière ce savant machiavélisme ; il l’a trouvé tout fait, tout préparé du moins par des circonstances extraordinaires. Ce n’est pas lui qui a ouvert cette voie où, quinze ans plus tard, son beau-frère Frédéric-Guillaume IV devait le rejoindre et le dépasser ; l’un et l’autre, ils sont les fils de ce mouvement confus, de cette révolte moitié mystique, moitié libérale qui avait éclaté contre Napoléon, et toute leur politique a été de prolonger autant que possible l’aveuglement de l’Allemagne. Quand l’héritier de Maximilien-Joseph monta sur le trône, il commença aussitôt sa tâche ; il ne le fit pas sans doute, comme son beau-frère plus tard, au nom d’un système bien arrêté : c’étaient surtout des caprices et des puérilités fantasques ; mais les conséquences n’en furent pas moins désastreuses,