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la force du mot. « Tout ce qui a été fait par le peuple, dit-il dans une de ses nombreuses publications, a été fait en violation de la loi. Le 20 février, par le manifeste de l’opposition, la loi sur les attroupemens a été violée, la loi sur la garde nationale violée. Je ne réponds pas même que, sur ce droit de réunion objet de tant de querelles, la loi et la jurisprudence ne fussent, quoi qu’on en ait dit, du côté du ministère ; à cet égard, la légalité aurait donc été encore violée. Ce n’est pas tout. La minorité représentative, agissant par intimidation sur la prérogative royale, violait la charte ; l’abdication de Louis-Philippe, que la responsabilité ministérielle devait couvrir, violait la charte ; la loi de régence était deux fois violée, d’abord par la substitution de la duchesse d’Orléans au duc de Nemours, puis par l’appel fait à la nation ; enfin, le peuple, faisant prévaloir sa volonté par la force, au lieu de s’en tenir à un acte juridique, comme le voulait l’opposition, foulait aux pieds toutes les lois. Au rebours de ce qui s’était passé en 1830, le gouvernement, en 1848, était littéralement en règle, et ce n’est pas sans raison que Louis-Philippe a pu dire, en mettant le pied sur le sol anglais : Charles X a été détrôné pour avoir violé la charte ; je le suis pour l’avoir défendue. »

Un vaincu de février ne dirait pas mieux. Je sais bien que M. Proudhon ne s’en tient pas là, et qu’après avoir reconnu l’illégalité de la révolution de février, il la soutient légitime, attendu que le peuple souverain n’est obligé qu’envers lui-même, que sa souveraineté est inaliénable, et qu’il la ressaisit quand il lui plaît. Je ne veux pas pour le moment discuter cette théorie en elle-même ; je me borne à la constater et à reconnaître avec M. Proudhon qu’il n’y en a pas d’autre pour justifier la révolution de février. Voici maintenant bien autre chose ; non-seulement, selon M. Proudhon, la révolution était illégale, mais elle était inutile ; je cite textuellement : « Ainsi la réforme du gouvernement personnel contenait la réforme parlementaire ; la réforme parlementaire contenait la réforme électorale ; la réforme électorale impliquait la réforme de la constitution ; la réforme de la constitution entraînait l’abolition de la royauté, et l’abolition de la royauté était synonyme d’une révolution sociale ; encore une fois, les seuls qui aient compris la situation, c’est le gouvernement d’un côté, et le peuple de l’autre. Par cette simple protestation de la gauche, qui devait avoir lieu le 22 février, la révolution tout entière était faite ; le peuple n’a fait que dégager l’événement. Une seule chose dans ce grand acte n’est pas du fait du peuple, et la responsabilité en revient tout entière aux pouvoirs de l’état comme à la bourgeoisie, c’est la date. Il était fatal, providentiel, si vous aimez mieux, qu’un peu plus tôt, un peu plus tard, la souveraineté du peuple se reconstituât sur d’autres bases, et abolît, sinon peut-être de fait, au moins de droit, la monarchie. La révolution pouvait être aussi longue qu’elle a été brusque ; elle pouvait être faite d’un com-