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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/863

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bons d’échange de M. Proudhon ; mais, malheureusement, ce n’est là qu’une image et une théorie. Toutes les opérations commerciales ne peuvent pas être réduites à cette simplification primitive : l’échange est le principe de tout commerce, sans aucun doute ; mais la variété et la multiplicité des échanges ont rendu le numéraire nécessaire, et on ne change pas en un jour les habitudes du genre humain.

Malgré ces observations, le projet de M. Proudhon me paraît digne de la plus grande et de la plus sérieuse attention. C’est un idéal que je crois impraticable, mais dont il faut se rapprocher le plus possible. L’auteur a remarqué avec beaucoup de sagacité que la révolution de février était par-dessus tout une révolution économique, et qu’elle se résoudrait nécessairement par un progrès dans les institutions de crédit. C’est là un premier mérite qu’on ne saurait contester à M. Proudhon. Je suis convaincu, pour ma part, que le principal et peut-être l’unique résultat qui restera de cette révolution est un progrès dans l’organisation des banques. La crise qui a suivi la proclamation de la république a montré combien la constitution actuelle du crédit était insuffisante, soit pour donner à ceux qui possèdent de plus grandes sécurités, soit pour donner à ceux qui ne possèdent pas de plus puissans moyens d’acquérir. Il faut un pas, un grand pas de plus. Un autre mérite de M. Proudhon est d’avoir su dans quel sens devait désormais se développer le crédit. D’une part, le crédit doit perdre le caractère général et vague qu’il a eu jusqu’ici, et chercher une base plus positive en se rapprochant de son origine ; d’autre part, il doit devenir plus accessible à tous, il doit être plus facile et à meilleur marché.

M. Proudhon attaque avec une extrême vivacité ce qu’il appelle les droits seigneuriaux de l’or, les droits de péage que prélèvent les capitaux sur la circulation, et il a raison dans une certaine mesure ; mais ai-je besoin de dire que ses idées, sous ce rapport, n’ont rien d’aussi neuf et d’aussi personnel qu’il paraît le croire, et qu’elles peuvent et doivent recevoir satisfaction sans exiger cette transformation totale annoncée dans le programme de la banque d’échange ? Tous les esprits sont tournés de ce côté aujourd’hui ; à tout instant on voit naître des projets qui prouvent que certaines idées sont mûres. Déjà l’association des banques de province à la banque de France a été un progrès ; cette association a porté un premier coup à la barbarie du change par l’unité du billet de banque. Voilà un premier droit de péage, pour parler comme M. Proudhon, supprimé. Ensuite la suspension des remboursemens en numéraire de billets de la banque de France et des banques de province a été acceptée avec une facilité qui montre à quel point le billet de banque est entré dans les habitudes du pays. Voilà la puissance seigneuriale du numéraire réduite d’autant. D’autres progrès viendront également, et sortiront de la nécessité ; ces progrès s’annonçaient