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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/884

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lutte. Depuis qu’elle existe, des réclamations pressantes se sont fait entendre de toutes parts : le gouvernement et les chambres en ont été constamment assiégés. Nos colonies, nos villes maritimes n’ont pas cessé, malgré les satisfactions apparentes qu’elles ont reçues, de se plaindre du dommage qu’elles éprouvaient, et d’annoncer hautement la ruine future de leur commerce. Qu’y a-t-il de fondé dans ces plaintes ? C’est ce qu’il faut examiner.

Il y a deux époques à considérer. La première est celle où le sucre indigène était exempt ou à peu près exempt de droits ; la seconde est l’époque actuelle, où entre les sucres coloniaux et les sucres indigènes les conditions sont égales, au moins au regard de la loi, mais où les uns et les autres sont encore favorisés par une forte surtaxe imposée sur les sucres étrangers. Dans la première période, heureusement finie, l’exemption particulière dont jouissait le sacre indigène était un abus révoltant, qui allait même jusqu’au scandale. Pour les colonies, c’était une injustice flagrante ; pour le fisc, un principe de ruine ; pour les consommateurs, une déception. C’était un monopole enté sur un autre monopole, une excroissance monstrueuse du régime protecteur. Dans la seconde période, les choses changent de face. L’égalité étant établie entre les deux sucres, autant du moins qu’il était permis au législateur de l’établir, une satisfaction plus ou moins complète a été donnée aux divers intérêts engagés dans la question. Examinons les nouvelles positions que ce régime a créées.

Pour les consommateurs et pour le fisc, l’intervention du sucre indigène, avec ses conditions actuelles d’exploitation, est un bienfait incontestable, bienfait relatif, mais très réel. C’est une amélioration évidente par rapport à l’ancien état de choses, où les sucres des colonies jouissaient d’un privilège exclusif sur le marché français. Seule, en effet, cette fabrication a pu étendre en France la consommation du sucre, à laquelle, vu l’exiguïté de nos colonies, le tarif actuel avait posé des bornes infranchissables. Seule aussi elle a pu, en l’absence de la concurrence étrangère, ramener les prix des sucres dans des limites raisonnables, limites qui avaient été grandement franchies avant son apparition, et qui le seraient de nouveau, si elle disparaissait. Abaissement des prix, extension de la consommation, telles ont été pour le public les conséquences directes de cet événement. Qui oserait nier les avantages qu’il en a recueillis ? Les mêmes droits étant d’ailleurs perçus sur les deux sucres, le trésor a profité autant que le public de l’accroissement de la consommation, puisque la base de l’impôt s’est élargie dans la mesure exacte de cet accroissement.

En ce qui regarde les colonies, la question est plus complexe. Si elles n’ont plus les mêmes sujets de plaintes qu’autrefois, il s’en faut pourtant qu’elles aient lieu d’être satisfaites. Elles peuvent d’abord prétendre,